Malgré les contestations et les manifestations post-électorales, qui ont conduit au drame de Kaédi, le Conseil Constitutionnel a validé les résultats publiés par la CENI consacrant la réélection au premier tour du Président sortant, avec plus de 56% des voix. Une victoire amère donc, d’autant plus que Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a été battu dans presque toutes les grandes villes du pays, notamment à Nouakchott, Nouadhibou, Kaédi… par Biram Dah Abeïd, arrivé en deuxième position. Ce deuxième et dernier mandat sera donc plein de défis pour le Président s’il aspire vraiment à mettre en œuvre son «Ambition pour la Nation».
Le premier défi est celui de la jeunesse – ou du moins ce qu’il en reste. En effet ce sont pas moins de 20 000 jeunes qui ont pris ces dernières années la route périlleuse de l’émigration vers les Etats Unis via la dangereuse filière du Nicaragua. Ceux qui restent continuent de tirer le diable par la queue, trimballés qu’ils sont entre le chômage et le manque de perspectives. Conscient de cette situation, le candidat-président a donc mis la jeunesse au cœur de sa campagne, promettant de faire de son second mandat un «mandat de la jeunesse». On ne sait pas encore comment cela va se traduire concrètement, mais on sait que les attentes sont nombreuses et que l’état de grâce sera de courte durée.
L’arlésienne de l’unité nationale
Un autre dossier chaud est celui de «l’unité nationale». Quelqu’un a déploré le fait que 64 ans après l’indépendance, la «consolidation de l’unité nationale» soit encore utilisé comme slogan de campagne. Pourtant c’est la triste réalité. Depuis l’accession à l’indépendance, les Mauritaniens vivent côte à côte, avec régulièrement des épisodes de «face à face», qui ont culminé dans la deuxième moitié des années 80 avec les fameux événements de 1989, avec tout ce qui s’en est suivi comme «Passif humanitaire». Un «Passif humanitaire» que Ghazouani a promis, lors de son passage à Kaédi, de régler définitivement. Mais au-delà de ce «dossier» qui empoisonne les relations entre les différentes communautés nationales, il y a d’autres sujets qui mettent à mal la fameuse «unité nationale» : l’arabisation forcenée du système éducatif, la négation de la culture des composantes négro-africaines à l’école et dans les médias, leur exclusion programmée et systématique de l’administration avec des recrutements pour le moins sélectifs, le refus d’enrôler des dizaines de milliers de ressortissants de la vallée… Autant d’«obstacles» sur le chemin de la construction d’une nation dans laquelle tous ses fils se sentiraient chez eux. Des obstacles que certains éléments du système se plaisent à maintenir ou même à consolider. Et le moins que l’on puisse constater est que l’attitude du Ministre de l’Intérieur, surtout suite aux événements post-électoraux, n’est pas de nature à favoriser la cohésion sociale. Si le Président veut donc réellement se lancer dans ce chantier de construction d’une véritable nation inclusive, il doit commencer par se débarrasser des faucons de son régime, quitte à se mettre à dos une frange de ses soutiens. Après tout il s’agit de son dernier mandat !
Améliorer l’accès aux services sociaux de base
Hormis ces priorités, le président réélu pour un second mandat devra accélérer les réformes sur la gestion des deniers publics en luttant contre la corruption et le clientélisme au niveau des appels d’offres des marchés publics. Les populations de l’intérieur attendent avec impatience la réalisation des projets d’adduction d’eau potable et l’électrification de leurs villages pour sortir des décennies de soif et d’obscurité. Dans ces deux secteurs clés du développement, les résultats attendus des investissements devront permettre également à la capitale, surpeuplée, de se doter d’un réseau performant d’adduction d’eau potable pour répondre aux besoins des populations notamment des quartiers populaires. On espère aussi que la fourniture d’électricité, grâce aux nouveaux projets dans le domaine de l’hydrogène vert avec des centrales solaires, sera améliorée pour mettre fin aux délestages qui se sont paradoxalement intensifiées depuis la publication des résultats du scrutin.
Une classe politique usée et décrédibilisée
Enfin au plan purement politique, Ghazouani doit donner un véritable coup de balai. En effet, un renouvellement générationnel et sociologique est plus que nécessaire. Les populations n’en peuvent plus de voir les mêmes visages – ou ceux de leurs descendants – occuper les premiers rôles depuis l’indépendance. Ils sont usés et n’ont plus aucune crédibilité aux yeux de la population. Entre querelles personnelles, rivalités de tendances et hostilité à l’émergence de tout nouveau visage, leurs discours essorés depuis des années ne portent plus.
Alors qu’il va se succéder à lui-même le 1er août prochain, Ghazouani est très attendu par les Mauritaniens, qui aspirent au changement. Ses premières décisions seront donc étroitement surveillées par la classe politique mais aussi par les populations.
Sikhousso