Quelques jours à peine après son investiture pour un second mandat, le Président Ghazouani a nommé un nouveau Premier Ministre qui a, dans la foulée, formé un gouvernement. Si de nouvelles figures ont fait leur entrée, les poids lourds du précédent gouvernement, considérés comme les «Hommes du Président», ont gardé leurs portefeuilles régaliens, en l’occurrence l’Intérieur, la Défense, la Justice et les Affaires Etrangères.
Une situation qui a commencé, selon plusieurs sources, à créer une sorte de malaise au sein de l’équipe gouvernementale. En effet, les ministres mentionnés ne considéreraient pas le Premier Ministre Ould Diay, comme leur supérieur hiérarchique et ne traitent qu’avec le Président de la République. Mieux, ils empièteraient même sur ses plates-bandes en intervenant dans des dossiers qui ne les concernent pas directement. On assiste donc à une sorte de deux gouvernements qui cohabitent côte à côte.
Dans ces conditions de guéguerre, il est difficile d’imaginer que les ministres soient suffisamment concentrés sur leurs missions afin de soulager les populations des difficultés auxquelles elles font face. Et parmi ces difficultés, et non des moindres, la lancinante pénurie d’eau dont souffrent les habitants de Nouakchott.
Le manque d’eau se banalise à Nouakchott
En effet, plusieurs grands quartiers de Nouakchott sont privés d’eau potable depuis presque un mois, soit depuis le début du mois août. Cette situation, qui s’est rapidement transformée en crise découle de l’incapacité, depuis plusieurs semaines déjà du réseau mis en place dans le cadre du Projet d’adduction d’eau potable (AEP) de Nouakchott à partir du Fleuve Sénégal (Aftout Essahili), à assurer le traitement de l’eau brute.
Conséquence, les populations ont soif. Les quartiers les plus touchés sont notamment ceux situés en périphérie de la ville, où les habitants démunis sont confrontés à une situation critique de manque d’eau en cette période de chaleur intense. Outre la déshydratation avec comme conséquences les pertes de mémoire, la fatigue ou encore les problèmes de digestion, les pénuries prolongées d’eau potable à Nouakchott impacteront également l’assainissement, accélérant ainsi la prolifération des maladies d’origine hydriques telles que le choléra, le paludisme, le saturnisme ou encore les diarrhées.
Selon un des responsables de la SNDE, la difficulté à traiter l’eau du fleuve Sénégal se justifie par le fait qu’elle soit devenue boueuse. Or, le projet Aftout Essahili, financé à hauteur de 41 millions de dollars par le Fonds africain de développement (FAD) repose sur l’exploitation de ce cours d’eau pour satisfaire les besoins en eau potable des habitants de la capitale mauritanienne jusqu’en 2030. Aux côtés des populations, la société civile dénonce une crise de trop et appelle le gouvernement mauritanien à prendre des mesures urgentes et adéquates pour pallier les pénuries, notamment des politiques ambitieuses pour garantir un accès à l’eau potable permanent pour l’ensemble de la population.
Et le gouvernement de répondre que « des solutions sont envisagées ». Parmi elles, l’augmentation des capacités de traitement de l’eau à Nouakchott et la diversification des sources d’approvisionnement en eau à l’instar du dessalement de l’eau de mer.
En attendant l’implémentation des nouvelles mesures promises par le gouvernement mauritanien, la SNDE a mis en place des solutions temporaires face à la nouvelle crise de l’eau de Nouakchott. Il s’agit notamment de la mise en place d’une distribution alternée par quartier qui a permis pour certains quartiers d’avoir de l’eau pendant quelques jours. Il y a aussi eu une flotte de citerne qui a été mobilisée pour secourir les quartiers périphériques.
Vous n’avez pas d’eau ? Mariez-vous !
C’est dans ce contexte de crise aigüe d’accès à l’eau que l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM) s’est réunie en conclave pour discuter du problème des …mariages !
Eh oui, des mariages. Alors que les populations croulent sous le poids des prix des denrées de première nécessité qui ne cessent de grimper, alors que l’accès à l’eau est devenu un véritable parcours du combattant, les Hommes d’affaires mauritaniens n’ont trouvé rien de mieux à faire que de proposer une «charte pour la fondation familiale» ! Une «initiative de pour encourager les mariages».
En effet, au cours d’une conférence de presse, le président de l’UNPM, Zeine El Abidine Ould Cheikh Ahmed, a annoncé le lancement d’une initiative qui vise à marier 50 jeunes avec une dot de 50.000 MRO, dans une démarche qui, selon lui, est destinée à «promouvoir la stabilité familiale et relever les défis du coût élevé du mariage en Mauritanie».
Selon Ould Cheikh Ahmed (qui a en outre promis une somme d’un million d’anciennes ouguiyas à chaque couple) cette initiative vise à «réduire les dots et à faciliter la vie conjugale» dans un pays où le taux de divorce est élevé.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la Charte de la construction familiale annoncée par la Fédération des employeurs, qui vise à prévenir ce qu’elle appelle «la propagation des comportements extravagants et gaspilleurs dans la société», selon la charte. Les dispositions de la charte comprennent « la conclusion de contrats de mariage légaux à l’intérieur des mosquées et l’évitement des grandes parades dans les domiciles et à se limiter à ce qui est socialement acceptable.
La charte recommande d’«éviter la vantardise et l’exagération dans les cadeaux et les faveurs échangés entre les deux parties et de laisser aux deux parties la possibilité d’établir leur nouveau foyer dans la paix et la tranquillité».
Sur les réseaux sociaux, les internautes n’ont pas manqué de fustiger ce qu’ils considèrent comme une «hypocrisie» de la part des hommes d’affaires qui lancent cette initiative à un moment où la Mauritanie connaît une hausse des prix des services de base, en particulier des denrées alimentaire.
Ainsi la journaliste et activiste Khadija Sidina a déclaré que les hommes d’affaires devraient lancer un code d’honneur pour parfaire les projets et pour la libre concurrence. Pour sa part, l’artiste Loubaba Mint El Meidah a déclaré que les artistes accepteraient cette décision à condition que les prix des produits de base soient réduits et que la contrefaçon des produits alimentaires soit abordée.
C’est qu’on appelle avoir le sens des priorités !
Sikhousso