Plusieurs villages des régions du Gorgol, Brakna, Guidimakha et Trarza bordant le fleuve ont été touchés par des inondations d’ampleur inhabituelle. Les dégâts matériels sont considérables (destruction d’habits, de récoltes, pertes de bétail).Une perte en vie humaine a été enregistrée à Tékane. De nombreux villages riverains du fleuve Sénégal connaissent actuellement des situations d’inondations catastrophiques engendrant des dégâts importants : des milliers de familles sans abris ont dû quitter leurs villages et leurs maisons, des champs promettant de bonnes récoltes sont inondés, des périmètres agricoles sont sous l’eau, du bétail et de bien ont été emportés… Conformément aux consignes de mise en œuvre du plan d’alerte du fleuve Sénégal, les villes de Kayes, Kidira et Bakel sortent de la vigilance orange et rentrent dans la vigilance jaune. Les zones de Matam, Toufoundé Civé et Kaédi restent dans la vigilance Orange, et une tendance à vigilance rouge dans les zones de Podor, Tékane, Dagana et Jdr El Mohguen.
Cette crue exceptionnelle du fleuve Sénégal menace plusieurs villages de disparition de la carte.
Cependant, les détails précis sur l’étendue des dégâts, le nombre de personnes affectées ne sont pas encore disponibles .Même si les mesures d’urgence ont été mises en place par le gouvernement mauritanien pour secourir les populations, disponibilisant vivres après évacuations des sinistrés, envoi de délégations gouvernementales accompagnées des autorités administratives.
L’opinion publique et la classe politique dénoncent la non prise en compte par le gouvernement mauritanien des avertissements de l’OMVS, depuis le mois de mai dernier. En effet, l’impuissance du gouvernement face à la prévention des risques est pointée du doigt les autorités accusées d’avoir ignoré les alertes de l’OMVS.
La catastrophe causée par les inondations dans plusieurs localités de la vallée du fleuve Sénégal, est en grande partie imputables à l’attitude des autorités, qui n’ont pas suffisamment pris en compte les alertes répétées de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), déplore l’Union des Forces de Progrès (UFP),dans une déclaration rendue publique, 14 octobre dernier.
Le document regrette « l’absence d’une véritable campagne de sensibilisation auprès des populations, pour les préparer au pire, et d’un dispositif préventif de secours sur le terrain ».
Ce qui explique « aujourd’hui, le nombre de villages pris au dépourvu, qui vivent dans l’eau » plongés dans « une situation de détresse totale et une véritable catastrophe ».
A titre d’illustration, la déclaration cite plusieurs localités du Guidimakha, du Gorgol, du Brakna et du Trarza : Diaguily, Diogountouro, Ghabou, Gouraye, Saghé Lobaly, Toufounde Civet, Diatar,Wouro Guelal, Fanaye Walo…. Dans les eaux « sans aucune intervention de secours au profit des populations sinistrées ».
Le Parti national pour la réforme et le développement (Tewassoul) a appelé le gouvernement mauritanien à « assumer ses responsabilités et de venir en aide aux personnes touchées » par la récente crue du fleuve.
Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le parti réitère son appel à tous « les militants du parti à porter secours aux citoyens sinistrés ».Tawasoul a réaffirmé son « entière solidarité avec les familles et les personnes touchées et se tient à leurs côtés dans ces événements douloureux ».
La Diaspora et les hommes d’affaires invités à plus de solidarité
Face à cette situation, Tapital Pulaagu Muritani présidé par Diallo Daouda Samba exprime toute sa solidarité et sa compassion avec les victimes des débordements des crues du fleuve. A cette occasion elle lance un appel pressant :
– Aux autorités mauritaniennes pour qu’elles prennent toutes les mesures qu’impliquent la gravité de la situation aussi bien pour ce qui concerne les secours d’urgence que pour la nécessité d’accompagner les communautés sinistrées pour traverser sans accrocs les difficiles périodes post-inondation ;
– Aux organisations de la société civiles pour qu’elles se mobilisent rapidement afin d’apporter leurs aides aux populations en détresse, particulièrement celles qui ont été contraintes d’évacuer leurs maisons ;
– A la diaspora des ressortissants de la vallée pour apporter leurs contributions aux initiatives en cours ;
– Aux hommes d’affaires et personnes de bonne volonté pour se joindre au nécessaire sursaut de solidarité nationale face à cette catastrophe naturelle’’.
Le Groupe parlementaire Espoir Mauritanie révèle que ‘’certaines zones de l’intérieur connaissent en plus une propagation du paludisme, provoquant des décès et beaucoup de souffrances, face à une défaillance de la couverture sanitaire, particulièrement dans le milieu rural des régions comme les deux Hodhs, le Tagant et d’autres localités.
Le groupe exhorte les autorités à intervenir rapidement et de manière efficace, en diligentant des équipes médicales dans les zones de prolifération du paludisme.
Enfin, le groupe appelle à une intervention urgente dans les zones d’inondation pour secourir les populations victimes, en particulier celles déplacées, en leur fournissant des abris et des aides, à la hauteur des pertes subies.
Des inondations de plus en plus courantes
Pourtant le bassin du fleuve Sénégal est nettement plus réputé pour sa sécheresse que pour ses épisodes pluvieux. Mais la récurrence avec laquelle les inondations frappent désormais chaque année la région interpelle. Les inondations sont désormais une habitude en période d’hivernage. Dans la région de Matam, de l’autre côté du fleuve, des ponts ont été détruits, des routes coupées, des maisons englouties et des récoltes perdues. Des épisodes récents et violents qui résonnent comme un écho local aux craintes globales exprimées par les experts du GIEC dans leur rapport achevé en avril 2020.
L’histoire contemporaine de la région semble illustrer parfaitement les risques qui pèsent sur certaine population à cause du réchauffement climatique. Et elle montre aussi comment les aléas climatiques peuvent soumettre les habitants à de fortes contraintes structurelles.
La grande sécheresse des années soixante dix à quatre vingt dix a poussé les populations locales à s’installer sur les rives du fleuve. La reprise de la pluviométrie vers le milieu des années 90, conjuguée à l’apparition de précipitations violentes ces dernières années, mettent désormais ces mêmes localités face à des dangers importants. D’après les experts du GIEC( Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), l’augmentation globale des températures devrait pousser les aléas climatiques à l’extrême. Les sécheresses deviendront de plus en plus brutales, les tempêtes de plus en plus virulentes, les précipitations de plus en plus intenses… Dans une région marquée par des périodes de sécheresse aggravée, la hausse des températures devrait encore amplifier l’urbanisation à proximité des cours d’eau et des littoraux. Ce qui aura pour effet, si rien n’est maîtrisé, d’exposer de plus en plus d’habitants à des inondations violentes, destructrices et pouvant même être meurtrières.Ces prévisions viennent ainsi de se matérialiser sur le terrain.
Saydou Nourou T.