Depuis la disparition de Kane Ndiawar les hommages et les témoignages se succèdent pour dire combien l’homme avait une dimension et une aura qui en font l’une des personnalités les plus marquantes de l’histoire de notre pays.
Ci—après quelques extraits de ces nombreux témoignages
Asmiou Sy : «‘’L’ÉTUDIANT EN LUTTE » Kane Ndiawar vient de tirer sa révérence. Inna Lillaahi Wa Innaa Ileyhi raajioun. Membre fondateur de l’UGESM, membre fondateur de l’ARPRM, membre fondateur de l’AMRS, membre fondateur du FONADH. Patriote engagé et intransigeant, il a connu l’incarcération et la déportation. Que la terre lui soit légère et qu’Allah Le Tout Puissant l’accueille dans son paradis»
Mohamed Askia Touré : « Comme une prémonition, Kaw NDiawar Kane nous a, il y a un peu plus d’un an, décliné sous une belle plume son parcours de vie. Dans une œuvre autobiographique, « Kaw NDiawar : Le Fleuve refuse de séparer ». Loin de s’imaginer que par ce geste ultime, il nous invitait à un voyage intergénérationnel sur les deux rives d’un fleuve qui étaient à ses yeux extraterritoriales tant il était chez lui où qu’il fût de chacune de ces deux berges. Un grand homme s’en est allé. À cet égard, je veux avec beaucoup de prétention m’arroger aujourd’hui le droit de dire en quelques lignes des mots que d’autres bien plus habilités pensent en leur for intérieur de celui que j’appelais affectueusement Kaw Ndiawar. Lorsque nous te mettrons en terre, nous serons consolés de t’avoir mis en terre que tu as choisie et qui t’a choisi. Nous allons également prier mais sourire quand nous retournerons dans nos maisons en nous remémorant la trajectoire de vie qui fut celle du défunt. La trajectoire de vie de Kaw Ndiawar se lit comme un roman, une belle aventure truffée de rebondissements, de coups reçus, d’humiliations subies, d’embastillements, de bannissements… Trajectoire de vie assumée et vécue avec courage, obstination sans jamais baisser l’échine, sans jamais renoncer à dire le vrai, sans jamais tourner le dos aux principes, aux valeurs de justice, d’équité et de liberté. Une trajectoire de vie qui ne s’est jamais départie de courage, de persévérance pour faire triompher la vérité et en faire une référence, une boussole. Essuyons nos larmes car il est des hommes dont la mort n’est rien d’autre qu’une étoile qui scintille dans le ciel pour nous guider dans la quête du vrai lorsque nous sommes dans le Sahara du mensonge, du faux et de l’hypocrisie. Kaw Ndiawar fut un homme de principes, courageux, digne comme il n’en existe plus de nos jours. Un parcours de vie exemplaire, semé d’embûches mais jamais il n’a baissé la tête et toujours debout il est resté, debout devant l’adversité, debout pour dire non au mensonge, debout pour ne pas plier sous le poids du fardeau à lui imposé par la tyrannie». La mort de Kaw Ndiawar ne nous détruit pas mais au contraire, nous réconforte dans notre certitude que la dignité ne se négocie pas, ne se trahit pas, et ne doit en aucun cas faire l’objet de compromis voire de compromission. Kaw Ndiawar a été lui-même victime en 1989 d’une expulsion vers le Sénégal et malgré les possibilités qui pouvaient être les siennes dans cet autre chez-lui, il a mené un combat digne des grands hommes et a arraché son retour de même que sa réhabilitation dans son pays qu’il a tant aimé et à qui il a tant donné. À tout jamais tu reposes dans le panthéon des hommes justes et qui ont fait de cette lutte pour la justice leur sacerdoce, leur mentor et leur raison de vivre. Repose en paix Kaw Ndiawar»
Tijane B. : «Ndiawar Kane, un témoin paisible et digne. Voilà un homme qui, jusqu’au bout, aura joué sa partition. Sans fausses notes et sans sur jouer. Il n’est pas nécessaire de solliciter la grosse caisse pour se faire entendre. Voilà un homme qui, comme par pressentiment, s’est employé à mettre les choses en ordre avant de tirer sa révérence. Si rare en nos contrées. Cette mise en ordre et en musique a d’abord pris les traits d’un roman revendiquant ouvertement un cousinage avec l’aventure ambiguë. Il sera préfacé par Cheikh Hamidou Kane. Son titre : Le Sentier Sinueux. Il revisite, en l’actualisant et en la re-contextualisant la trame de l’œuvre fétiche. Un témoignage autobiographique suivra à près de cinq ans de distance : Le fleuve refuse de séparer. On change de registre. La métaphore fluviale, au demeurant justifiée, ne concentre pas la vie de l’auteur. Laquelle fut tout, sauf un long fleuve tranquille. Toute vie commence par l’enfance, les parents, la famille. Celle de Ndiawar Kane est suffisamment connue de la plupart des Mauritaniens pour qu’il soit besoin d’y insister. Et puis, la famille, cela vaut pour chacun de nous, ce n’est pas vraiment la chose que nous choisissons. À la différence de l’engagement militant, fil d’Ariane de la vie publique de Ndiawar Kane à côté où en même temps que l’enseignement. Ce n’est pas un secret que l’engagement est, en notre belle Afrique, souvent source d’ennuis. Le grand homme en fit collection. D’abord sous le régime de Moctar Ould Daddah qui ne fut pas toujours aussi avenant et doux qu’une nostalgie myope et donc rétrospectivement indulgente veut bien faire accroire. Puis il y a eu l’ultime absurdité : la déportation vers le Sénégal et donc la déchéance de nationalité de fait. Du jour au lendemain, l’enseignant au parcours riche, le haut fonctionnaire, au plan familial, le fils de chef de canton, frère cadet de l’ancien gouverneur de la capitale et d’autres capitales régionales, « cessa » d’être mauritanien. Ubu était devenu roi et voyage en absurdie ! Les principaux épisodes de ce parcours « sinueux » font le corps des 233 pages de Le fleuve refuse de séparer. Aujourd’hui, ce livre témoignage s’impose, non sans ristesse, en livre testament. Plus que jamais, il importe de lire Nul ne pourra raconter la trajectoire de son auteur mieux qu’il ne l’a fait. Il ne s’agissait pas de cela ici mais bien plus modestement de saluer celui qui s’en va».
Ciré Kane : «Juste pour faire mien ce discours vibrant et poignant de Baro Tijane sur la personnalité de Ndiawar. J’ajoute une petite touche à son propos. Ndiawar fait partie des artisans du déblocage du calvaire que vivait le personnel de la Caisse sous le régime des EPA. Avec modestie quand il s’agissait de fixer ses avantages en sa qualité de DG il a choisi le minimum c’est dire que l’homme n’avait pas soif de l’enrichissement. Merci pour le sens de la mesure et le respect des biens sociaux.
A toute la famille CNSS mes condoléances les plus attristées ainsi qu’à Hawa Bâ son épouse et aux enfants. Que le Seigneur des Cieux et de la Terre l’accueille dans son Saint Paradis. Amin»