Plusieurs centaines d’étrangers( des subsahariens), parmi lesquels des maliens, des guinéens, sénégalais et ivoiriens ont été expulsés de Mauritanie, ces derniers pour « défaut carte de séjour ».Dans son timing, cette opération intervient en toile de fond d’un débat, sur le phénomène de l’immigration, avec de fortes divergences au sein l’opinion, agitant les Réseaux Sociaux.
Dans le centre de rétention, les exilés sont soumis à l’enregistrement de leurs empreintes digitales. Ils doivent être ensuite conduits en bus vers leurs pays d’origine. Toute personne expulsée de Mauritanie, quelque soit sa nationalité, sera désormais interdite de territoire pour une durée de deux ans. Dakar a refusé d’accueillir tout ressortissant d’un autre pays. Ce qui a entraîné des transferts des autres migrants vers les frontières de la Mauritanie avec le Mali.
Depuis le 2 Mars 2025, le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, Monsieur Mossa Ag Attaher, a indiqué qu’il lui a été signalé l’arrivée de plusieurs de ses compatriotes au poste frontalier de Gogui en provenance de la Mauritanie.
‘’Un soutien financier et matériel d’urgence a été apporté aux premiers arrivants et un accueil digne leur a été réservé. Le Mali et la Mauritanie entretiennent des liens multiséculaires fondés sur l’amitié et la fraternité. Les populations de nos deux pays frères ont de tout temps vécu ensemble en parfaite harmonie. De même, de fortes communautés maliennes et mauritaniennes vivent de part et d’autre des deux frontières’’.
Le ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration Africaine rassure ses ‘’compatriotes que leur situation fait l’objet d’une prise en charge des autorités maliennes et mauritaniennes. Il les appelle au calme et les invite à ne pas céder aux provocations. Par la même occasion, le ministre invite les médias à œuvrer au calme et à l’apaisement’’. Des barricades avaient été érigées à la frontière mauritano-malienne à Gogui Zamel par des jeunes maliens bloquant le passage aux véhicules mauritaniens.
Bamako arrache la gratuité de la carte
Jouant la carte de l’apaisement, le Général d’Armée Assimi Goita, Président de la Transition a dépêché Monsieur Mossa Ag Attaher, ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, qui était porteur de message auprès de Son Excellence Mohamed Ould Cheikh EL Ghazouani, Président de la République Islamique de Mauritanie.
Entre autres résultats de cette visite:
– le lancement d’une opération spéciale de délivrance de cartes de résidence aux Maliens établis en Mauritanie avec exemption de paiement de frais;
– la mise en place d’un cadre d’échange permanent entre l’Ambassadeur et les services des ministères mauritaniens concernés (Affaires étrangères, Intérieur);
– l’implication de l’Ambassade du Mali à Nouakchott pour une large adhésion des Maliens au nouveau processus de régularisation des étrangers.
Cette opération de grande envergure intervient dans un contexte de renforcement du contrôle migratoire en Afrique de l’Ouest a suscité une vague d’indignation et de réprobation au sein de la classe politique et des organisations de la société civile.
Réprobation
Touche pas à ma nationalité, organisation très active dans la défense des doits des citoyens dit ‘’observer avec inquiétude les rafles et expulsions de migrants subsahariens résidant en Mauritanie, engagées par les autorités sécuritaires du pays sur fond d’une campagne nauséabonde de racisme et de xénophobie initiée par les milieux suprématistes du nationalisme arabe’’.
‘’S’il est légitime de contrôler l’immigration et d’exiger des migrants d’être en situation régulière, il est en revanche inadmissible que les contrôles se fassent au faciès et ne concernent que les seuls migrants subsahariens, qui sont pourchassés partout à travers le pays, raflés et parqués comme des animaux dans des centres de rétention avant d’être expulsés manu militari’’ s’indigne TPMN .
‘’Ces traitements qui foulent au pied les droits des migrants et bafouent la dignité humaine ciblent également des Mauritaniens noirs exclus de l’enrôlement et devenus apatrides dans leur propre pays’’, déplore l’organisation dirigée par DIA Alassane.
Au- delà du caractère inacceptable des actes posés par nos autorités sécuritaires, TPMN rappelle que ‘’ les Mauritaniens sont un peuple de migrants formant des diasporas un peu partout à travers le monde et en particulier en Afrique subsaharienne. De tels actes pourraient exposer nos compatriotes qui vivent paisiblement dans ces pays à la réciprocité’’.
Touche pas à ma nationalité dénonce avec la dernière énergie‘’- le traitement inhumain et dégradant infligé aux migrants, fussent-ils en situation irrégulière’’,-‘’ les rafles aux faciès’’.Et ‘’ l’amalgame entretenu qui assigne volontairement les Noirs mauritaniens à des nationalités étrangères’’.
Dans le même sillage, Khally Diallo, Député dénonce ‘’le traitement réservé aux migrants subsahariens en Mauritanie est une honte absolue et une violation inacceptable des droits humains. La campagne xénophobe et discriminatoire menée par les autorités mauritaniennes contre les Sénégalais, Maliens, Ivoiriens et d’autres ressortissants africains n’est rien d’autre qu’un racisme d’État assumé, qui rappelle les heures les plus sombres de l’histoire’’.
Pour le député du FRUD, ‘’la détention et l’expulsion de ces hommes et femmes ne sont pas seulement inhumaines, elles sont aussi une insulte au mandat que la Mauritanie vient d’achever à la tête de l’Union africaine, désormais entre les mains de l’Angola. Comment peut-on prêcher l’unité du continent sur la scène internationale tout en pratiquant la division et la stigmatisation chez soi ? Ces traitements vont à l’encontre des valeurs d’intégration africaine que notre pays proclame haut et fort sans jamais les appliquer’’.
L’entrée sur le territoire par voie régulière
Interpellé sur la question des campagnes visant les migrants, le ministre de la Culture, des Arts, de la Communication et des Relations avec le Parlement – Porte-parole du gouvernement, M. Houssein Ould Meddou a expliqué que le traitement médiatique qui en a été fait, n’est pas conforme à la réalité. Selon lui, la Mauritanie entretient de bons rapports avec les pays voisins, rappelant que des conventions ont été signées pour faciliter l’accès au territoire national et la résidence pour les migrants qui le souhaitent.
Le porte-parole a indiqué que toutes les actions entreprises, le sont dans le respect de la loi et de la dignité humaine. De plus, il a soutenu que la Mauritanie accueille près de 500 000 migrants, ce qui démontre son ouverture. A cela s’ajoute, les campagnes de recensement et d’enrôlement des migrants qui sont organisés régulièrement. Il a indiqué qu’après le ramadan, une autre campagne d’enrôlement sera engagée.
Sur cette lancée, le porte-parole du gouvernement a convoqué la mémoire de l’assistance, par rapport aux cartes de résidences offertes gratuitement à toutes les personnes qui le souhaitaient, en 2022. Il a annoncé que sur les 130 000 migrants recensés à l’époque, seuls 7000 d’entre eux ont renouvelé leur titre de séjour, malgré leur présence sur le territoire national.
Pour lui, toute personne souhaitant séjourner en Mauritanie est la plus bienvenue. Elle doit cependant se conformer aux textes et règlements, dont l’entrée sur le territoire par voie régulière.
La Mauritanie (ne) fait (pas) le gendarme pour l’Europe
Le porte-parole du gouvernement a aussi réfuté les allégations selon lesquelles, la Mauritanie fait le gendarme pour l’Europe. L’accord qui serait pointé du doigt, vise en partie à lutter contre la migration clandestine, via l’Atlantique. Il a estimé que la Mauritanie sauve des vies en rapatriant les candidats et en permettant à ceux qui renoncent au voyage de façon irrégulière à élire domicile, ici, s’ils le souhaitent.
Par ailleurs, il a annoncé le démantèlement de réseaux de Trafic de migrants, cette semaine, dont ceux tenus par un mauritanien, un pakistanais, un ghanéen et un sénégalais. La lutte contre ce phénomène est une priorité pour les autorités. Toutefois, elle se fera dans le respect des lois et de la dignité.
Surveillance plus accrue aux frontières
Cette vague d’interpellations s’accompagne d’une surveillance plus accrue aux frontières mauritaniennes. Depuis dimanche 2 mars, « un nouveau système de transit biométrique aux points de passage frontaliers » a été mis en place, « pour renforcer la surveillance des mouvements des voyageurs et assurer un enregistrement précis de leurs données ». Toute personne expulsée de Mauritanie, quelque soit sa nationalité, sera désormais interdite de territoire pour une durée de deux ans.
Selon un communiqué de la police mauritanienne, 35 points de passage frontaliers ont déjà été équipés de cette technologie, et des efforts sont en cours pour étendre son déploiement à d’autres zones. Ce système est relié à une base de données centrale, permettant un suivi en temps réel des traversées. Le déploiement de cette technologie est supervisé par les autorités de sécurité nationale, et des formations ont été dispensées aux opérateurs pour garantir son efficacité.
La Mauritanie est un pays de transit majeur pour les migrants originaires d’Afrique de l’Ouest qui souhaitent se rendre en Europe via la route des Canaries. Selon les autorités espagnoles, 83 % des migrants qui débarquent dans l’archipel transitent par la Mauritanie. Et d’après les Nations Unies, le nombre de migrants en provenance des pays du Sahel est passé de 57 000 en 2019 à plus de 112 000 en 2023.
La plupart des candidats au départ partent de Nouadhibou, sur la côte nord-ouest de la Mauritanie. Depuis la réactivation de la route des Canaries peu après 2020, cette ville est devenue un point de passage important pour les exilés, au nombre de 30 000 sur 140 000 habitants au total.
Un accord à 210 millions d’euros
Pour freiner les arrivées de migrants sur son sol, l’Union européenne a renforcé ses liens avec la Mauritanie, dans la lignée de sa stratégie d’externalisation des frontières déjà appliquée en Tunisie ou en Turquie notamment. Le 7 mars 2024, Nouakchott et Bruxelles ont signé un partenariat visant à lutter contre l’immigration illégale vers le Vieux Continent. Au programme : renforcement de la coopération entre agences, démantèlement des réseaux de passeurs et délégation des contrôles, le tout grâce à une enveloppe de 210 millions d’euros accordée au pays saharien.
De son côté, le président mauritanien Mohammed Ould Ghazouani avait garanti la volonté de son pays à agir contre l’immigration irrégulière. La Mauritanie est « totalement engagée » aux côtés de l’Espagne et de l’UE face aux flux migratoires irréguliers, avait-il déclaré. « Nous devons faire de gros efforts pour garantir leur sécurité et pouvoir contrôler les frontières, mobiliser nos forces de sécurité et renforcer les services de base ».
En septembre 2024, le ministre de l’Intérieur Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine a partagé les premiers résultats de cette politique. Sur les huit premiers mois de l’année 2024, le pays a expulsé 10 753 migrants, soit une augmentation de 14 % par rapport à l’année dernière.
Pas une première
Ces campagnes d’interpellations de migrants ne sont pas nouvelles. En 2008 déjà, alors que la route des Canaries était très empruntée, Amnesty International dénonçait dans un rapport l’arrestation et l’expulsion d’exilés « vers le Mali ou le Sénégal sans aucun droit de recours pouvant remettre en cause cette décision ». Des ressortissants d’Afrique de l’Ouest avaient à l’époque affirmé à l’ONG avoir été arbitrairement arrêtés dans la rue ou chez eux et accusés, apparemment sans élément de preuve, d’avoir l’intention de vouloir rejoindre l’Espagne.
« Cette politique d’arrestations et de renvois collectifs de la part des autorités mauritaniennes fait suite aux pressions intenses exercées sur ce pays par l’Union européenne (UE) et notamment l’Espagne qui cherchent à impliquer certains pays africains dans leur lutte contre les migrations irrégulières vers l’Europe », avait déploré Amnesty.
Saydou Nourou T.