Dans un monde où la loyauté politique se négocie et où le service public devient souvent une simple vitrine d’ambition personnelle, rares sont ceux qui avancent sans masque, sans compromission, sans duplicité. Rares sont les élus qui osent affronter les tempêtes, non pour la gloire, mais pour les principes. Et parmi eux, à contre-courant d’un système qui broie l’authenticité, se tient droit et digne un homme que j’ai observé des années durant : El Ghassem Ould Bellali, maire de Nouadhibou.
Depuis son accession à la tête de la commune, Ould Bellali n’a cessé de montrer ce que peut être la politique quand elle se fait proximité, courage et vérité. Non pas celle des tribunes creuses ni celle des communiqués rédigés en l’absence du peuple, mais une politique vivante, organique, enracinée dans le réel. Il a été de tous les quartiers, de toutes les doléances, des classes oubliées, des écoles dégradées, des dispensaires négligés. Il n’a pas attendu les grandes messes budgétaires pour réparer les bancs cassés, soutenir les imams, subventionner les mahadras, acheminer des soins médicaux ou assainir des quartiers. Là où tant s’agitent en surface, lui agit dans la profondeur.
Et c’est précisément cette action sincère qui, paradoxalement, lui vaut l’hostilité féroce d’une partie de la classe politique. Comme si l’indépendance devenait un crime. Comme si le refus de se plier aux caprices d’un système verrouillé appelait automatiquement la calomnie. El Ghassem Ould Bellali n’a pas été simplement critiqué ; il a été méthodiquement visé, traîné dans la boue, menacé, insulté.
Il suffit de se souvenir de cet instant sidérant où, en pleine séance plénière de l’Assemblée nationale, un ancien président du Parlement ; censé incarner la retenue et l’équilibre institutionnel ; l’a publiquement accusé d’être « sans père », dans un acte d’une rare violence morale, un glissement inacceptable dans la sphère privée, destiné non pas à contredire un argument, mais à briser un homme. Quelle honte pour une république que d’assister à une telle scène sans sursaut collectif.
Comme si cela ne suffisait pas, le célèbre opposant Biram Dah Abeid s’est joint au concert d’accusations en lui prêtant des propos incendiaires à l’encontre d’une communauté nationale. Or, ceux qui ont écouté les paroles originales d’El Ghassem savent qu’il mettait en garde contre les risques de l’injustice et appelait au respect de tous les citoyens, sans distinction. Le mensonge n’était pas une erreur, il était une stratégie.
À Nouadhibou même, un ancien directeur d’un hôpital public est allé jusqu’à le menacer en public, en présence de certaines autorités, après que le maire ait osé dénoncer les carences criantes du centre hospitalier, notamment l’accueil indigne réservé aux patients les plus modestes. Que doit faire un élu s’il ne peut même plus exiger des soins pour ceux qui l’ont élu ? Le silence est-il désormais la seule vertu attendue d’un maire droit ?
Et que dire encore de l’étrange affaire d’héritage dans laquelle l’ancien ministre et l’avocat controversé Ould Moine l’a injustement impliqué ? Une rocambolesque tentative de diffamation, sans fondement ni preuves, visant uniquement à salir l’image d’un homme dont l’honnêteté dérange. L’affaire s’est révélée vide, mais l’accusation a circulé, alimentant les rumeurs, nourrissant les chroniques de la rumeur.
Ce ne sont là que quelques exemples. Les attaques, perfides ou brutales, n’ont jamais cessé. Mais elles n’ont pas non plus altéré la constance de cet homme. Il est resté fidèle à ses engagements, sans céder à la colère ni à la haine. Il a répondu par le travail, par la présence, par les résultats. Dans un pays où trop de responsables s’évanouissent dès la fin des campagnes électorales, lui continue de marcher dans la poussière, de répondre aux interpellations, de rencontrer les citoyens sans escorte ni condescendance.
Je ne suis ni de son parti, ni de son entourage. Mais à force de le voir agir, seul contre beaucoup, et sans jamais abandonner ses principes, j’ai compris qu’il représente, malgré lui, une espérance pour ce pays : celle qu’un autre type de politique est encore possible, loin des clientélismes, des fausses postures et des fidélités de convenance. Une politique du devoir, pas du calcul.
Il faut du courage pour construire dans la boue. Il faut de la foi pour affronter le lynchage médiatique et la marginalisation institutionnelle. Il faut de la patience pour semer en sachant que les vents soufflent contre. El Ghassem Ould Bellali, qu’on l’aime ou non, incarne cette droiture rare, cette capacité à tenir bon là où tant d’autres se seraient vendus ou dérobés.
Et c’est pourquoi, aujourd’hui, je tiens à lui rendre hommage. Non pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il est vrai. Non pas parce qu’il ne fait jamais d’erreurs, mais parce qu’il les assume sans se dérober. Ce texte est le fruit d’une conviction née dans l’observation et forgée par les faits : dans une époque où l’on décore des carriéristes, il est urgent de reconnaître le mérite de ceux qui dérangent parce qu’ils sont sincères.
Le tort d’El Ghassem Ould Bellali, c’est peut-être d’avoir cru qu’il suffisait d’être loyal au peuple pour être protégé par l’État. L’histoire lui donnera peut-être raison. En attendant, il appartient à ceux qui croient encore à la parole juste de le dire clairement : ceux qui servent sans trahir méritent d’être défendus.
Haroun Rabani