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Mauritanie–Chine. 60 ans après, l’heure des comptes

En 1965, alors que bien des capitales africaines hésitaient encore, Nouakchott a fait un geste qui a surpris. Reconnaître la République populaire de Chine. Un pari diplomatique signé Moktar Ould Daddah. Ce choix a ouvert la voie à un partenariat qui dure depuis six décennies. Soixante ans plus tard, les poignées de main et les photos de célébration ne suffisent plus. Le moment est venu d’évaluer sans détour. Qu’avons-nous bâti avec Pékin ? Et surtout, où voulons-nous aller ?

Des infrastructures, certes. Mais après

On ne peut pas nier ce qui a été accompli. Le Port de l’Amitié. L’Hôpital de l’Amitié. Des routes qui relient nos régions. Et, tout récemment, le Pont de Carrefour-Madrid à Nouakchott. Des réalisations concrètes qui ont changé le quotidien de milliers de Mauritaniens. Mais un constat s’impose. Derrière ces ouvrages, où est la valeur ajoutée pour notre pays. Qu’avons-nous appris ? Qu’avons-nous capitalisé ?

Une coopération à réinventer

Il faut le reconnaître. La Chine sait pourquoi elle est là. Elle veut sécuriser ses approvisionnements, étendre son influence et renforcer ses positions dans un Sahel en pleine recomposition. 

Et nous. Quel est notre projet ?

Dans la pêche, nos eaux sont exploitées par d’immenses navires   industriels, pendant que nos artisans tirent le diable par la queue.

Dans les mines, les ressources sortent du sol, mais nos ingénieurs restent souvent spectateurs.

Sur les grands chantiers, des ouvriers venus d’ailleurs occupent les postes, tandis que nos jeunes cherchent désespérément du travail. En somme, notre coopération avec la Chine est restée dans une logique d’échange simple. Des infrastructures contre des ressources. Or, une relation mature ne peut pas se réduire à cela.

La Mauritanie au cœur du Sahel. Plus qu’un partenaire

Pourquoi cette relation doit-elle changer. Parce que la Mauritanie n’est pas qu’un marché ou un gisement à ciel ouvert. Elle est un pivot. Une porte d’entrée stable dans une région où les équilibres s’effondrent. Pékin le sait. La Chine veut être présente dans le Sahel, mais sans s’exposer. Ainsi, la question est simple. Allons-nous rester un simple point de passage. Ou allons-nous devenir un partenaire politique capable de peser.

Passer de l’assistance à l’alliance

Un partenariat digne de ce nom, ce n’est pas recevoir. C’est poser ses conditions. Il ne s’agit pas de rédiger des cahiers des charges pour faire joli. Il s’agit d’exiger ce qui nous revient. Par exemple, que tout projet financé par la Chine emploie une part significative de Mauritaniens et qu’ils y apprennent des compétences nouvelles. Que les contrats signés soient connus, discutés et assumés. Que les projets respectent nos terres, nos eaux et notre environnement. Et que notre Parlement, nos experts et nos citoyens aient leur mot à dire sur les grands accords. Il est temps de passer de la gratitude silencieuse à la clarté contractuelle.

Une diplomatie qui assume

Cela ne veut pas dire rompre avec nos autres partenaires. La France, les pays du Golfe, les États-Unis, l’Union européenne. Tous ont encore un rôle à jouer. Mais notre diplomatie doit être une question d’équilibre. Pas d’alignement. L’indépendance, ce n’est pas fermer des portes. C’est choisir nous-mêmes lesquelles ouvrir et à quelles conditions.

Il y a un non-dit dans cette relation. Les valeurs. Ni Pékin ne les impose, ni Nouakchott ne les défend vraiment. Résultat. Les droits sociaux, la justice environnementale et la transparence restent des notes de bas de page. Or, le développement qui oublie la justice et l’inclusion n’est pas un vrai développement. C’est une dépendance maquillée. Soixante ans d’amitié, c’est respectable. Mais les dix prochaines années doivent être celles d’un partenariat assumé et équitable. La Chine n’est pas le problème. Le problème, c’est de continuer à naviguer sans vision. Il est temps de dire les choses simplement. Nous voulons une coopération qui nous élève, pas une relation qui nous enferme dans un rôle d’exécutants.

Mansour LY 

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