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La République des oubliés. Quand la République parle seule

La Mauritanie ressemble trop souvent à un grand chantier silencieux. On construit, on digitalise, on signe. Mais le bruit des marteaux n’atteint pas les villages du Hodh ni les quartiers périphériques de Nouakchott. Pour une grande partie de nos concitoyens, le mot réforme n’a ni goût ni couleur. C’est un mot de papier qui flotte au-dessus des réalités.

Ce que disent les chiffres. Ce que vivent les gens

La Banque mondiale rappelle que près de 47 % des Mauritaniens vivent avec moins de 1,90 $ par jour. Plus de 65 % résident hors des grands centres urbains, dans des espaces où l’école et le dispensaire sont encore des promesses lointaines. Près d’un Mauritanien sur deux demeures analphabètes. Ce chiffre ne traduit pas seulement un déficit d’éducation. Il constitue un verrou invisible. Comment participer à une République que l’on ne peut ni lire ni écrire ? Il faut le dire sans détour. Cette situation n’est pas seulement le fruit d’un retard de développement. Elle arrange aussi. Ainsi, un citoyen qui ne comprend pas la loi, le budget ou la réforme est plus facile à apaiser qu’à associer. Tant qu’il reste dans l’ombre des grandes décisions, la République lui apparaît comme un édifice imposant, mais étranger.

Des expériences citoyennes éclatées

Nous aimons nous décrire comme une République une et indivisible. Or, dans les faits, il y a plusieurs Mauritanies. Celle des élites urbaines, connectées aux réformes numériques. Celle des périphéries, où la politique ressemble à une rumeur lointaine. Celle des communautés linguistiques et culturelles, qui peinent encore à se voir pleinement dans le récit national. Ces différences ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont le produit d’une histoire et d’un système qui ont trop souvent préféré gérer les équilibres plutôt que construire une vision commune.

Réformer autrement. Quand l’État parle, qui écoute ?

Les réformes ne manquent pas. Digitalisation de l’état civil, guichets uniques, programmes sociaux. Cependant, à quoi sert un guichet si le jeune diplômé de Sebkha n’a pas les codes pour y accéder ? À quoi sert un portail en ligne si la femme du Brakna, cheffe de coopérative, n’a ni connexion ni formation pour en bénéficier ? Le Maroc et le Sénégal nous rappellent qu’une réforme ne réussit que lorsqu’elle descend au niveau des associations, des Mahadras, des réunions de village. C’est là que bat le cœur du pays.

Un pacte citoyen. Pas une déclaration

Il nous faut maintenant un Pacte citoyen. Pas une énième feuille de route technocratique. Un engagement mutuel. Que l’État cesse de parler seul, et que le citoyen cesse d’être spectateur. Un pacte où chaque réforme est expliquée, traduite, appropriée par ceux qu’elle prétend servir.

Réparer le tissu national

Mais ce pacte n’aura aucun sens si nous ne réparons pas les fractures silencieuses. Ces blessures communautaires que l’on tait. Ces langues nationales que l’on maintient aux marges du récit républicain. Ces mémoires qui n’ont jamais trouvé apaisement. Il faut briser ces hiérarchies invisibles qui, depuis trop longtemps, classent nos compatriotes en citoyens de plein droit et en citoyens de circonstance. Ce n’est pas un luxe moral. C’est la condition de toute réforme durable. Aucune ne tiendra sur un sol où la citoyenneté demeure à plusieurs vitesses.

Mansour LY

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