Le Président de la République Islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a «encouragé» les hauts responsables de l’Etat à privilégier les vacances à l’intérieur du pays, au lieu de se rendre à l’étranger. Le chef de l’État a qualifié cette habitude – particulièrement répandue chez les élites en période estivale – d’inappropriée et contraire à l’image que doit refléter un pays qui cherche à renforcer son identité et promouvoir son potentiel touristique, social et culturel. Il a regretté que cette pratique donne l’impression qu’aucun lieu en Mauritanie ne mérite d’être visité. Depuis, c’est le branle-bas de combat. Les ministres se sont empressés de tenir des réunions avec leur personnel pour leur transmettre le message et une «Qotba» (sermon de la prière du vendredi) unifiée a même été consacrée à ce sujet, y compris dans les coins les plus reculés du pays où les populations ont du mal à assure deux repas par jour ! C’est comme si on conseillait à un aveugle de ne pas trop regarder des femmes ! Alors, s’agit-il d’un réel engouement ou d’un excès de zèle pour bien se faire voir du Président de la République ?
Quoi qu’il en soit, depuis cette date, les «hauts responsables» rivalisent de zèle pour monter qu’ils ont bien suivi les consignes du chef. On apprend ainsi que l’ancien ministre Kane Ousmane, natif de Tekane, vient de passer quelques jours de vacances à Tidjikja. Il répondait à l’invitation de son ami et ex-collègue ministre, Isselmou Mohamed Mbadi à l’occasion de la Guetna, et qu’Isselmou a pour sa part effectué deux séjours à Tekane. Mais avouez qu’on est en droit de douter un tout petit peu de la sincérité de nos ministres et autres responsable. En effet, comment se fait-il que c’est maintenant qu’ils découvrent par enchantement les bienfaits de la «Guetna» ? Ou que Tékane existe ?
Du déjà vu !
Ça rappelle les fameuses campagnes pour le savoir initiées par l’ancien président Ould Taya où tous les responsables étaient devenus, en l’espace de quelques jours, des bibliothécaires et des libraires. Ou encore son appel aux cadres pour qu’ils construisent chez eux. À cette époque, de nombreux cadres avaient construit des maisons dans leurs villages d’origine, entraînant une dynamique de construction, de modernisation et de développement dans plusieurs zones rurales. Ces investissements privés avaient contribué à l’essor d’infrastructures locales et renforcé le tissu social.
Mais dès que la page de Ould Taya fut tournée, ces différentes initiatives ont été jetées aux oubliettes. Les «Dar El Kitab», construits à l’époque, ont été transformés en Centres d’état civil ! C’est déjà ça, pourrait-on dire. Le risque aujourd’hui encore est de voir des opérateurs économiques investir dans des auberges et autres infrastructures touristiques qui seront laissées à l’abandon dans quelques années dès que le vent aura tourné. En attendant un autre sujet de prédilection.
Aller au-delà des symboles
Pourtant, la déclaration présidentielle n’est pas un simple appel symbolique. Depuis le début de son mandat, le président Ghazouani passe systématiquement ses vacances dans son village natal de Boumdeid, dans la wilaya de l’Assaba. Par ce choix, il donne l’exemple d’un attachement profond aux origines et d’un engagement concret en faveur du développement local. Cependant, force est de constater que – jusqu’à maintenant – peu de responsables ont suivi cette voie, préférant les destinations étrangères, notamment le Maroc et l’Espagne, devenues des lieux de villégiature privilégiés par les élites. L’initiative présidentielle relance un débat essentiel sur la relation entre les dirigeants et les populations de l’intérieur du pays, souvent perçues comme oubliées ou marginalisées. Elle peut être perçue comme une volonté sincère de promouvoir le tourisme local et de renforcer l’identité nationale. Cela pourrait également encourager les Mauritaniens à redécouvrir la richesse culturelle et naturelle de leur propre pays. Cependant, la réaction rapide des ministres et l’organisation de sermons unifiés peuvent donner l’impression d’un excès de zèle, peut-être motivé par le désir de plaire au Président plutôt que par un véritable engagement envers cette initiative. Cela soulève des questions sur l’authenticité de cet engouement et sur la manière dont les décisions sont prises au sein de l’État.
Il est essentiel de trouver un équilibre entre la promotion du tourisme local et la réalité des conditions de vie des populations, qui peuvent parfois rendre difficile la mise en pratique de telles recommandations. En fin de compte, l’impact de cette initiative dépendra de la manière dont elle sera mise en œuvre et perçue par les citoyens.
Sikhousso
