Décidément, les élections à l’Ordre National des Avocats de Mauritanie suscitent à chaque renouvellement de vives tensions sur fond de contentieux juridique.
Le scrutin de cette année ne déroge pas à la règle. La bataille épique entre les différents candidats continue de défrayer la chronique. Au milieu de cette belle controverse, la Cour Suprême a décidé jeudi dernier (13 juillet), du report des élections en vue de la désignation du Bâtonnier et des membres du bureau du conseil de l’Ordre National des Avocats (ONA).
A l’origine de ce contentieux électoral, un problème lié à la composition du bureau de vote, notamment « le désistement en raison d’un empêchement de dernière minute, de maîtres Cheikh Ould Baha et El Hassen Mayembess», deux membres du bureau de vote présentement à l’étranger.
Les deux camps interprètent différemment ce cas. Alors qu’une partie considère qu’il s’agit d’un poste vacant, l’autre partie estime que le règlement interne permet à d’autres membres de rejoindre le bureau.
Décision salué par le bâtonnier sortant
La campagne du bâtonnier en exercice, maître Brahim Ebety, également candidat à sa propre succession, a salué la décision prise par la Cour Suprême, lors d’une rencontre avec la presse organisée vendredi soir (14 juillet).
Le staff de campagne du bâtonnier en exercice et candidat à sa propre succession, a rappelé le contexte à l’origine de la décision de la plus haute juridiction du pays, motivée par une lettre de désistement «que le bâtonnier sortant a annotée pour le Secrétaire Général du Conseil de l’Ordre, afin de convoquer une réunion dans le but de suppléer les membres désignés défaillants, conformément à l’article 74 du règlement intérieur, mais le conseil ne s’est pas réuni pour reconstituer le bureau de vote. Cependant, celui-ci s’est auto-désigné en violation de l’article 74 du règlement intérieur ».
Cette situation a contraint le bâtonnier sortant à saisir la Cour Suprême «dont la chambre de conseil a rendu l’ordonnance numéro 11/2023, portant arrêt des opérations de vote pour une période de 10 jours». Un report conforme à l’article 64 de loi relative à la profession d’avocat, qui exige «que les élections soient tenues, au minimum, dans les 15 jours qui précédent l’expiration du mandat du conseil en fonction ».
Le staff de campagne rappelle que le conseil actuel est entré en exercice le 19 août 2020 et expire le 18 août 2023, comme en atteste le procès-verbal de passation des charges. Les soutiens de la candidature de maitre Brahim Ebety rappellent « que les décisions de justice sont d’exécution immédiate, obligatoire, et ne peuvent faire l’objet de contestation que par l’exercice des voies de recours appropriées, et non la surenchère sur la personne du bâtonnier ».
Interprétations divergentes
Candidat à l’Ordre des avocats, Brahim Ould Eddy, a déclaré, vendredi, lors d’une conférence de presse, avoir boycotté les élections des avocats avant qu’elles ne soient suspendues, pour protester contre leur «illégalité».
Quant au candidat Bouna Ould El Hassan, il a affirmé que «les avocats s’attendent à ce que la décision de suspendre les élections suscite de l’inquiétude, soulignant qu’il ne sait pas quelle sera la réaction de tous les avocats, des membres du barreau et des autorités». Pour Bouna Ould El Hassan, «le report aurait des répercussions négatives sur la réputation internationale du pays et sur le niveau de protection des droits de l’homme, car la profession d’avocat est le reflet des droits de l’homme dans le pays».
Il s’est dit surpris par «les propos du bâtonnier dont le mandat est arrivé à terme concernant une vacance liée à l’absence de deux membres du bureau de vote, soulignant que le règlement interne de l’Ordre National des Avocats est clair dans le paragraphe 74, stipulant clairement que le bureau est composé du plus ancien avocat et du plus récent du barreau».
Bouna Ould El Hassan a précisé qu’il y a une différence entre le président du bureau et ses membres. Le président du bureau est choisi par délibération du conseil de l’Ordre, contrairement aux deux autres membres qui sont choisis conformément à l’article précédent, qui stipule que si l’un des membres est absent, un autre membre est choisi selon l’ordre mentionné. Il a qualifié cet article de «disposition claire qui ne tolère aucune interprétation».
Pour rappel, le bâtonnier sortant avait indiqué que «le règlement interne de l’Ordre des avocats stipule que le bureau de vote doit être composé de trois membres : un ancien bâtonnier, l’avocat le plus ancien inscrit au barreau et le plus jeune avocat du barreau». Me Ebetty a affirmé que le conseil de l’Ordre avait décidé de former le bureau de vote conformément au règlement interne le 21 juin dernier, notant qu’il y avait une «vacance de poste».
Le bâtonnier sortant a enfin assuré qu’ils sont maintenant confrontés à une problématique juridique car le bureau de vote ne peut être formé provisoirement en cas de vacance que par le Conseil national de l’Ordre des avocats. Les différents protagonistes devront résoudre le problème juridique afin que le vote puisse avoir lieu comme prévu.
Saydou Nourou T.