vendredi, novembre 22, 2024
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Mauritanie, nouvel acteur du secteur gazier ? …Magazine espagnol

Les experts estiment qu’avec le début de l’exploitation des réserves de gaz découvertes, le pays deviendra le troisième en Afrique après le Nigeria et l’Algérie dans le domaine des exportations de gaz –

Situé à dix kilomètres au large de Saint-Louis, au Sénégal, le gigantesque complexe gazier de Grand Tortue Ahmeyim devrait débuter sa première production de gaz au premier trimestre de l’année 2024.

Conduit conjointement par British Petroleum (BP) et ses partenaires Kosmos Energy, la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH) et la Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN), il s’agit du plus grand projet d’extraction de gaz de la région. Couvrant 33 000 km², le champ gazier contient 1 400 milliards de mètres cubes de réserves, lui octroyant un potentiel de production de 30 à 50 ans. En d’autres termes, la Mauritanie est sur le point de devenir un important producteur mondial de gaz et l’un des plus importants d’Afrique.

La nouvelle stratégie énergétique de la Mauritanie

Se positionner comme véritable hub énergétique dans la région pour attirer les investisseurs : les exemples du Forum MSGBC et de la COP28

Toutefois, force est de constater que l’État mauritanien est traversé par de multiples points de fragilité. Selon une étude de 2022 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Mauritanie est devenue un État « fragile », notamment sur le plan économique. Le pays est exposé à des risques importants sur plusieurs fronts, particulièrement en ce qui concerne la dépendance aux ressources, le taux de chômage et le déficit du compte courant.

Dès lors, la nouvelle stratégie économique du gouvernement mauritanien, axée sur l’exportation des énergies fossiles et renouvelables, pourrait-elle lui permettre de sortir de son état de fragilité ?

C’est ce que nous tenterons d’élucider à travers cet article.

Une croissance économique en hausse

Peuplée d’environ 4,8 millions d’habitants, la Mauritanie est essentiellement un pays désertique, avec de vastes étendues de terres pastorales et seulement 0,5 % de terres arables. Sur le plan économique, la pandémie de Covid-19 a eu des conséquences importantes sur le marché du travail, les conditions de vie et le bien-être de la population mauritanienne, entraînant une augmentation de l’extrême pauvreté, estimée à 6,3 % en 2022.

Malgré cela, la Banque mondiale observe une hausse significative de la croissance économique en Mauritanie. Grâce à l’augmentation des exportations du côté de la demande et de l’expansion du secteur agricole du côté de l’offre, elle passe de 2,4 % en 2021 à 7,1 % en 2022. En 2023, la croissance économique a ralenti (4,3 %), en raison d’une croissance plus faible dans l’industrie extractive résultant d’une baisse de la production de minerai de fer, d’or et agricole. 

​Les élites mauritaniennes ont bien conscience de la vulnérabilité de l’économie de leur pays, particulièrement en ce qui concerne la dépendance à l’égard des ressources. Dès lors, le Gouvernement a concentré son attention sur ses sols, et en particulier l’exploitation gazière après avoir découvert d’importantes réserves sur sa côte atlantique. Cette nouvelle stratégie permettrait non seulement à la Mauritanie de sortir de son état d’autosuffisance mais également d’entrer dans le club des pays exportateurs de gaz.

En effet, le sol mauritanien est riche en ressources. Selon Ousmane Mamadou Kane, ministre des Affaires économiques, et de Promotion des secteurs productifs, « la Mauritanie a un potentiel énorme. » « Le gaz est une source d’énergie de transition », poursuit-il, « le potentiel en énergie renouvelable, en particulier en solaire et éolien, est l’un des meilleurs du monde. Nous avons beaucoup d’eau et nous avons énormément de mines ».

Dans ce contexte, deux développements majeurs lancés l’année prochaine : le projet GTA que nous avons évoqué plus haut et le développement du champ pétrolifère Sangomar d’une capacité de 100 000 barils par jour. Parallèlement, les progrès se poursuivent à l’installation Sandiara Gas-to-Power. 

Avec 700 000 kilomètres carrés de territoire disponible pour la construction de panneaux solaires et d’éoliennes et un climat favorable au développement de ces énergies, la Mauritanie pourrait se positionner en tant que centre d’énergie renouvelable de l’Afrique de l’Ouest. D’après le média African Business, le développeur de projet allemand Conjuncta a signé en mars 2023 un protocole d’accord avec le fournisseur d’énergie égyptien Infinity et la société Masdar des Émirats arabes unis pour un projet d’hydrogène vert de 34 milliards de dollars en Mauritanie. Ce projet pourrait permettre de produire jusqu’à huit millions de tonnes d’hydrogène vert par an.

Le spécialiste français de la région, Alain Antil, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), estime que « la Mauritanie dispose d’atouts indéniables ». Il poursuit en affirmant que Nouakchott « maîtrise le risque djihadiste depuis plus de dix ans, contrôle mieux sa démographie que ses voisins et affiche une stabilité politique, avec un exécutif, depuis l’élection du président Mohamed Ould Ghazouani, relativement ouvert au dialogue ».

Cette ouverture au dialogue s’est traduite par une participation active à des forums régionaux et internationaux, où le gouvernement mauritanien a cherché à mettre en avant ses ressources. Parmi les événements les plus notables de 2023, on retiendra en premier lieu le Forum régional MSGBC (Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau et Guinée-Conakry). 

Officiellement inauguré le 21 novembre 2023 à Nouakchott, le MSGBC Oil, Gas & Power 2023 constitue le principal événement énergétique de la région. La cérémonie d’ouverture, qui s’est déroulée en présence du président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a pu jeter les bases de deux jours de dialogue et d’accords, au cours desquels les dirigeants de l’industrie ont formulé des remarques prospectives sur l’avenir du marché énergétique du MSGBC.

À travers ce forum, les différents pays membres ont cherché à développer une stratégie qui leur permettrait de mettre un terme à la dépendance de l’Afrique à l’égard des sources extérieures de financement du pétrole et du gaz. « Nous travaillons avec Afreximbank pour créer une Banque africaine de l’énergie. Nous avons approuvé le calendrier il y a deux semaines et cette banque devrait être mise en service au premier semestre de l’année prochaine. Nous travaillons également sur des centres de recherche en Afrique », a déclaré le Dr. Omar Farouk Ibrahim, secrétaire général de l’Organisation africaine des producteurs de pétrole (APPO). 

Toutefois, les pays de la région essayent tout de même d’attirer les capitaux étrangers et renforcer la compétitivité des investissements. En effet, malgré la richesse de ses sols, la Mauritanie demeure un pays pauvre. Selon l’UNICEF, 2,3 millions de personnes vivent en situation de pauvreté multidimensionnelle. Dès lors, l’État mauritanien a adopté une série de réformes réglementaires, qui ont toutes été essentielles au lancement de projets à grande échelle dans la mesure où elles ont contribué à créer un cadre rassurant pour les investisseurs.

Le second événement n’est autre que la Conférence de Dubaï sur les changements climatiques, ou COP28, qui s’est déroulée du 30 novembre au 12 décembre 2023 aux Émirats arabes unis. Lors de cette conférence, le président mauritanien s’est adressé aux chefs d’État présents pour rappeler, dans un premier temps, le potentiel croissant de la Mauritanie, notamment de ses ressources à exploiter. 

Dans un second temps, le chef d’État mauritanien a rappelé l’importance du soutien international pour aider les nations en développement à favoriser leur transition énergétique. « Il est donc urgent et fondamental d’accroitre considérablement les financements destinés à l’adaptation et à la transformation de l’environnement et de les débourser de manière à ne pas exacerber l’endettement des pays en développement », a déclaré Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.

Les revenus serviront principalement à développer le pays

Selon African Business, Nouakchott s’attend à au moins 19 milliards de dollars de revenus supplémentaires au cours des 30 prochaines années. Pour rappel, le pays avait un produit intérieur brut (PIB) de 7,6 milliards de dollars en 2019, soit déjà quatre fois plus qu’en 2000.

Néanmoins, le gouvernement mauritanien a bien conscience que les nouveaux investissements ne changeront pas l’économie du pays du jour au lendemain. Selon Ousmane Mamadou Kane, l’argent sera principalement injecté dans le Trésor et la Banque centrale, afin de « faire face aux énormes besoins d’éducation de base, d’infrastructures routières, d’eau, d’assainissement et d’énergie, que nécessite le pays ».

En effet, « le pays a aussi des fragilités », résume Alain Antil, « au premier rang desquels un système éducatif très peu performant, un capitalisme de connivence et la médiocrité des infrastructures, qui gêne le désenclavement de régions entières en dépit d’améliorations récentes ».

La qualification des travailleurs mauritaniens, encore faible comparée à ceux de pays plus développés, reste encore un défi pour le pays. Toutefois, Abdel Boudadya, directeur général d’une entreprise mauritanienne partie prenante au projet d’extraction de gaz GTA, affirme que miser sur des investissements conjoints permet de montrer aux investisseurs qu’ils peuvent faire confiance aux opérateurs locaux.

Ainsi, les autorités mauritaniennes font des efforts considérables sur tous les plans dans le but de pouvoir attirer l’attention des grands investisseurs étrangers dans l’exploitation de ces ressources naturelles. Pourtant, à l’heure du changement climatique, la polémique de l’exploitation des énergies fossiles persiste. 

Exploitation des énergies fossiles et changement climatique

À l’avenir, assurer le financement du développement des réserves du pays sera un défi en raison de la transition énergétique mondiale. Selon la Banque africaine de développement, le financement estimé nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 11 % d’ici 2030 s’élève à 4,8 milliards de dollars par an sur la période 2021-2030.

Toutefois, le pays ne dispose pas d’un mécanisme dédié au financement du climat. Pour cause, les secteurs privé et bancaire ne sont quasiment pas présents dans le financement climatique. De plus, la majeure partie du milliard de dollars reçu au cours de la période 2010-2020 provenait de partenaires internationaux. La Mauritanie est également confrontée à plusieurs obstacles. Parmi eux, se distinguent le manque de connaissance des risques et opportunités liés au changement climatique, le coût élevé des investissements liés à l’adaptation au changement climatique et la disponibilité limitée de ressources privées consacrées à l’investissement vert.

Malgré cela, la République Islamique mauritanienne compte miser sur son capital naturel (gaz, hydrogène vert, fer, ressources halieutiques et terres agricoles) évalué à 24,3 milliards de dollars en 2018, pour soutenir le financement climatique et la croissance verte sur le long terme. En outre, la phase 1 du projet gazier Grand-Tortue/Ahmeyim devrait laisser une marge supplémentaire pour des ajustements budgétaires d’au moins 0,5 % du PIB en 2024.

Alors que les pays européens recherchent des fournisseurs d’énergie alternatifs, la Mauritanie a acquis une nouvelle importance stratégique. En effet, elle devrait devenir un exportateur de gaz vers l’Europe d’ici la fin de 2023, lorsque la phase I du projet GTA sera achevée. Selon des sources gouvernementales mauritaniennes données à la Razón, le pays est actuellement en train de négocier l’exportation de gaz et de pétrole vers l’Espagne, principalement les Îles Canaries.

Ainsi, la nouvelle stratégie gazière pourrait, en théorie, lui permettre de sortir progressivement de son état de fragilité économique. Reste à voir si, en pratique, Nouakchott parviendra à franchir les obstacles qu’imposent cette stratégie, notamment en ce qui concerne la volatilité des prix du marché, le maintien de sa stabilité économique par la diversification de ses sources d’énergie ou encore la qualité des infrastructures de transport

Élise Pacot

atalayar.com

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