Le projet d’accord initié par le RFD et l’UFP avec le parti au pouvoir suscite des réactions partagées au sein de l’opinion et de la classe politique.
Le président Mohamed Ould Ghazouani a exprimé, lors d’une rencontre tenue le 7 aout dernier, avec les Présidents des partis du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) Ahmed Ould Daddah et de l’Union des Forces du Progrès (UFP), Mohamed Ould Maouloud, son approbation du projet de la « Charte d’entente nationale » présenté par les deux formations politiques.
L’interaction du Président lors de la rencontre, qui a traité ledit projet de charte politique, « a été positive », ont affirmé des sources médiatiques.
Le Pr. Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces du Progrès (UFP) estime que ‘´ L’accord politique est, comme indiqué, un Pacte républicain. Il est inclusif et transpartisan par définition. Y adhérer ou non n’implique aucune conséquence de l’ordre que vous évoquez. Une fois conçu et mis en œuvre effectivement, il devra entraîner de profondes réflexions et réformes consolidantes de notre vivre-ensemble et de notre démocratie pluraliste. Il n’est donc pas un accord programme électoral et ne peut à lui tout seul servir de base à un partenariat électoral. Ce dernier relève d’une approche et d’une autre dimension de la vie politique. Pour soutenir un candidat, y compris l’actuel président s’il devait se représenter, il faut une autre démarche : il faut un programme de gouvernement. Ce n’est pas du tout pareil que l’accord politique actuel. Quant à notre entrée dans un prochain gouvernement, ce n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui est à l’ordre du jour c’est la signature et la publication de l’accord et la mise sur pied d’un processus de suivi commun. Le Pacte n’est pas un accord programme et ne peut à lui tout seul servir de base à un partenariat électoral’’,a-t-il précisé dans un entretien avec un journal de la place.
Réagissant à la publication sur la toile d’un prétendu document de l’accord politique, le vice président de l’UFP rétorque que c’est ‘’un texte insipide dans certains de ses passages clé, présenté comme étant celui de l’accord politique entre UFP-RFD, INSAF et le gouvernement circule dans les réseaux et suscite toutes sortes de commentaires. Comme il fallait s’y attendre, la « fuite » du document participe clairement de la même volonté délibérée de certains milieux de discréditer toute démarche de progrès politique, quelque minime soit-il, afin de préserver un statu quo favorable à une permanente confrontation entre acteurs politiques, sur des bases suicidaires, à l’instar de ce qui ravage toute notre sous région, sans épargner désormais aucun pays, y compris les plus stables. Internet offre toutes les occasions de désinformation et d’expansion exponentielle du mensonge et de la diffamation, dans un environnement rendu volatile et perméable à toutes sortes de manipulation, par les frustrations et les injustices généralisées. Il décervèle et impose le diktat de l’irréflexion au sein même de l’élite et de la manipulation des opinions qui tendent à devenir de véritables décharges publiques des idées les plus folles et les plus saugrenues’’.
Le Pr Lô Gourmo soutient qu’ à ‘’propos de l’accord politique qui n ‘attend plus que sa signature par les parties initiatrices pour être publié dans sa texture réelle, il est intéressant de voir comment les milieux régnant sur le net l’accueillent déjà: ceux ci-décrètent son recul par rapport aux exigences traditionnelles de l’opposition démocratique, en matière de droits humains et de bonne gouvernance, d’unité nationale et de cohésion sociale etc. Ceux là jurent par Allah que l’accord consacre la volonté des partenaires à rallonger le mandat présidentiel et autres tristes bobards …’’.
L’ADN des partis historiques
Il rappelle que ‘’les uns et les autres oublient ce qu’est l’ADN des partis historiques qui en furent les initiateurs et les promoteurs, en particulier l’UFP et le RFD. Ce sont les mêmes qui, depuis plus de 50 ans ( au point que la durée dans la fidélité aux principes porte ombrage à l’esprit pusillanime et futile de certains commentateurs facebookiens)- portent haut levé le drapeau de la lutte pour l’unité nationale et contre les tares sociales traditionnelles ( esclavagisme, féodalisme, esprit de caste, tribalisme, ethnisme, misogynie etc), la démocratie pluraliste nationale et les valeurs humaines universelles, la souveraineté nationale, la paix et la prospérité commune…
Ceux qui ont de la mémoire savent que les dépositaires d’un tel héritage ne sont pas des dealers ou des commerçants politiques. Ce sont des patriotes qui continuent le combat pour la modernisation du pays, son unité dans l’égalité de ses composantes, et son développement pacifique. Le Pacte Républicain qui va été signé et qui est ouvert à toute la classe politique s’inscrit dans la même perspective que celle de ce combat de longue haleine pour une Mauritanie nouvelle, authentique et de progrès pacifique’’.
D’un bloc, les partis et les forces politiques d’opposition ont vivement dénoncé le projet d’accord initié par le RFD et l’UFP avec le parti au pouvoir.
Un fourre-tout
Pour le président des Forces Progressistes de Changement (FPC) , M.Samba THIAM « l’accord UFP-RFD- ressemble à du déjà vu, un fourre-tout où s’enchevêtrent questions de fond, questions superficielles et techniques qui relèvent d’axes programmatiques de parti ou de ministère. Le document ne parle plus de crise politique, notons-le, mais juste de contentieux électoral à régler… Il y a à dire également sur l’attitude courroucée post-électorale adoptée (Manif et déclaration cinglante) en raison du scrutin décrié et, tout d’un coup, cette volte-face soudaine, surprenante, comme par ramollissement, qui sonne comme un flop !
Certains parmi nous de l’opposition donnent l’impression, parfois, d’avoir tellement subi et souffert sous ‘’la décennie ’’passée…que chat échaudé craint l’eau froide. Composer à tout prix et non pas s’opposer, quelle que soit la politique chauvine et pernicieuse menée par le Pouvoir, est devenu une option … N’empêche, nous nous devons, malgré tout, de respecter la ligne et les choix de chaque formation politique, lui reconnaître la liberté, le droit et la latitude de porter des initiatives propres, qu’ils jugent opportunes, avec la précaution toutefois de ne pas le passer au nom de toute l’Opposition.
Enfin pour la forme, je trouve la démarche inadéquate, quelque peu inélégante, à la limite de la maladresse. En effet, comment compter rallier à cette initiative d’autres fractions de l’opposition, mises devant le fait accompli – qualifiées de surcroît comme elles l’ont été- en plus d’un droit de propriété assumé avec discourtoisie ? Au juste, qui ‘’cherchent à entraîner le pays dans l’instabilité voire dans le chaos’’ ? Les tenants du Système avec leur politique chauvine, raciste et funeste ou les victimes de l’oppression en tous genres ? Non content de brimer les victimes, il faut encore chercher à les culpabiliser ! Cela étant, pour conclure, un dialogue politique sincère, sous-tendu par une volonté politique réelle est à prendre, toujours. Depuis 1986 nous le demandons, en vain. Toutes les guerres, même les plus féroces, finissent, généralement, sur la table de négociation…’’,a affirmé M.Thiam à Kassataya.
Le député et président de l’IRA, Biram Dah Abeïd, qualifie le document de « pacte raciste et chauvin », tentant « d’œuvrer à renouveler le visage haineux et laid du régime chauvin, raciste et esclavagiste » ; une sorte de « rafale de balles sur l’opposition démocratique populaire et activiste et sur l’opposition sérieuse ».
‘’Discours de généralités’’
Dans un communiqué de presse, le porte-parole de la coalition « Espoir Mauritanie », le député Mohamed Lemine ould Sidi Maouloud, l’a pour sa part qualifié de « discours de généralités qui ne diagnostique pas les problèmes réels du pays et ne propose pas non plus de solutions spécifiques. Ce prétendu Pacte républicain se caractérise par une mollesse excessive envers le pouvoir et un grand raffinage d’une très mauvaise réalité politique, sociale et économique », a souligné le député. Et de poursuivre : « de nature à servir le régime en détournant l’attention des citoyens des vrais problèmes, cette proposition intervient dans un contexte malsain où deux partis d’opposition ont donné la priorité au pouvoir et à la Majorité, au lieu de discuter avec l’Opposition et les opposants ».
Le vice-président de Tawassoul, Soubhi ould Weddadi, a qualifié quant à lui le document de « généralités qui ne sont pas à la mesure de ses grandes introductions, de ses importants objectifs et de sa portée nationale, ne présentant par ailleurs aucun contenu institutionnel ni la moindre garantie relative à la mise en œuvre de ses points. […] La quête d’un accord politique inclusif représentant véritablement les forces républicaines devrait être discutée entre tous les partis d’opposition jusqu’à ce qu’ils mûrissent une vision commune ; certes pas avec le principal parti de la Majorité pour que ses théoriciens parlent, en suivant, au nom de l’opposition démocratique dont quatre partis représentés au Parlement et au sein de l’Institution de l’opposition démocratique n’ont pas paraphé ledit accord ni même discuté son projet né dans l’obscurité ».
Saydou Nourou T.