Sorti victorieux du triple scrutin de mai dernier, le chef de l’État a les yeux rivés sur la présidentielle de 2024. Aucun adversaire ne semble en mesure de lui faire de l’ombre. Pour le moment…A moins de 10 mois de l’élection présidentielle, prévue normalement en juin 2024, la situation politique est des plus incertaines quant aux éventuels candidats qui feront face à Ould Ghazouani.
En effet, depuis les dernières élections générales, on assiste à une recomposition du paysage politique qui aura forcément une incidence sur la présidentielle qui pointe à l’horizon.
Le désaveu pour les opposants historiques
Les opposants historiques aux régimes militaires avaient été battus à plate couture lors des élections législatives, régionales et municipales. Un revers pour ceux qui ont marqué l’histoire politique de la Mauritanie, dont une nouvelle page s’écrit non seulement sans eux, mais aussi avec des transfuges de leurs propres formations, réunis au sein du Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie (FRUD). On voit donc mal Ahmed Ould Daddah, Mohamed Ould Maouloud ou encore Messaoud Ould Boulkheir, tenter leur chance l’année prochaine après le désaveu qu’ils ont subis. Et même s’ils s’y hasardaient, il est fort à parier qu’ils se feront humilier une nouvelle fois. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les formations politiques des deux premiers cités, en l’occurrence le RFD et l’UFP, ont signé un protocole avec le parti INSAF et le gouvernement, dont la finalité reste très floue. Même si cela semble titré par les cheveux, certaines mauvaises langues pensent qu’il n’est pas exclu que ces formations apportent leur soutien à Ghazouani pour la prochaine présidentielle.
Crédibilité entachée de Biram
Quant à Biram Dah Ould Abeid, qui avait fait un bon score lors de la dernière présidentielle, il a perdu beaucoup de crédibilité en route. Ses accointances avec Ghazouani pendant un certain temps ont porté un sérieux coup à son image d’opposant irréductible. D’autant plus que durant cette lune de miel il a tenu des propos plus qu’élogieux sur un «ami» qu’il avait trouvé. Certes il a tenté de rattraper le coup après s’être brouillé avec son éphémère allié, en renouant avec un discours radical avec de violentes diatribes à l’encontre du régime, mais pour beaucoup de personnes désormais, il est considéré comme un «opportuniste qui ne cherche que ses propres intérêts». Notamment dans la vallée où il avait réalisé les meilleurs scores.
Inexistence de personnalité d’envergure dans les nouvelles formations politiques
En même temps, d’un autre côté, les «nouveaux partis», bien qu’ayant obtenu des résultats appréciables, n’ont pas fait émerger une personnalité d’envergure présidentielle capable de rivaliser avec le chef de l’Etat sortant. Parmi les élus du FRUD, sans leur manquer de respect, personne n’a la stature d’un chef d’Etat. Kadiata Malick Diallo a certes une très grande notoriété et jouit d’un respect et d’une popularité dans tous les milieux mauritaniens, mais elle ne ferait pas le poids, surtout dans un pays, quoi qu’on en dise, très patriarcal, où on a du mal à faire passer même une simple loi contre la violence faite aux femmes et aux filles. Ce n’est donc pas demain que les Mauritaniens éliront une femme présidente de la République.
L’hypothétique candidature surprise
Reste l’hypothèse peu probable d’un candidat «surprise», une personnalité consensuelle hors des parties politiques qui fédérerait le maximum de formations politiques et d’acteurs de la société civile autour d’un programme commun. Mais là également, si à moins de 10 mois aucun nom n’a émergé, on peut considérer que c’est trop tard. En effet, compte tenu des difficultés à obtenir un consensus sur un scrutin aussi crucial, ce n’est pas en l’espace de quelques mois qu’un quelconque candidat va sortir de nulle part, parvenir à fédérer toute l’opposition et inquiéter Ould Ghazouani. Ce dernier semble justement, avoir pris goût au pouvoir, selon ses proches. Et bien qu’il ne l’ait pas encore officialisée, sa décision de solliciter un second mandat en 2024 serait prise depuis longtemps déjà.
Ghazouani, candidat….presque unique !
En tout état de cause, tous les signaux l’indiquent. D’abord on assiste de plus en plus au retour des vielles méthodes : Des responsables (ministres et autres) qui appellent à sa candidature, usant de formules comme «c’est une demande sociale», ou encore «c’est dans l’intérêt du pays». L’intéressé en personne commence à poser des jalons. Ses visites «inopinées» sur des chantiers ou dans des structures publiques et le limogeage de responsables pour soupçons de mauvaise gestion sont à mettre sur le compte d’une précampagne qui ne dit pas son nom. Et la récente sortie face à des journalistes pour faire le bilan de ses quatre années à la tête de l’Etat semble aller dans le même sens. Lors de cet entretien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani n’a pas fait de révélations, ni de grandes déclarations. Jugé trop distant, il s’est cette fois efforcé de répondre aux questions qui préoccupent aujourd’hui les Mauritaniens, à moins d’un an de l’élection présidentielle, prévue en juin 2024. « J’ai trouvé le pays dans une situation difficile [aggravée] par la crise liée au Covid-19 et les dramatiques conséquences de la guerre en Ukraine », a déclaré d’entrée de jeu l’ancien chef d’état-major des armées. Sa politique économique a selon lui porté ses fruits, puisqu’elle a permis de « renouer avec la croissance [de -0,9 % à la fin de 2020 à 6,4 % en 2022], [de] réduire le taux de l’endettement extérieur et [de] renforcer la confiance des partenaires et des investisseurs ». Quant à la question de savoir s’il compte briguer un second mandat, Ghazouani a préféré ne pas se dévoiler totalement. « Servir mon peuple est toujours un honneur pour moi », a-t-il glissé. En fait un «Oui» diplomatique.
Sikhousso