A moins de quatre mois de l’élection présidentielle, prévue en juin 2024 en Mauritanie, le Président sortant Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, semble étrangement seul sur la ligne de départ des prétendants sérieux à la magistrature suprême. Une situation qui, paradoxalement, inquiète quelques-uns de ses partisans qui craignent une sorte de «calme avant la tempête. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Président multiplie des visites et des inaugurations d’infrastructure, dans une sorte de pré-campagne électorale qui ne dit pas son nom. La dernière visite à Boghé où il a procédé au lancement d’un vaste projet d’alimentation en eau de plusieurs localités s’inscrit dans cette dynamique.
Pendant ce temps, sur un autre registre, le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, tente de décrisper la scène politique en invitant tous les partis à une sorte de concertation, y compris ceux qui avaient été dissous et ceux qui couraient derrière une reconnaissance depuis belle lurette. Autant d’initiatives qui font penser que le régime n’est pas aussi serein que ne pourrait le laisser penser la situation.
Mais concrètement que peut craindre Ghazouani ?
Ghazouani a beau maintenir un vrai-faux suspens, il est déjà en précampagne. Les Mauritaniens lui reprochant d’être trop distant, le chef de l’État, élu une première fois en juin 2019, multiplie les inaugurations et les visites de grands chantiers, à Nouakchott, enjoignant aux responsables de terminer rapidement les travaux. Le 30 octobre dernier, il a accordé sa première interview à la presse locale afin de défendre son bilan. Le président s’est montré particulièrement actif sur le terrain social.
Il a revalorisé les retraites des fonctionnaires, créé une couverture maladie universelle et doté la Délégation à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion (Taazour) d’un budget de 500 millions de dollars. Mais il a aussi pris des décisions très impopulaires, comme l’élaboration de la loi portant protection des symboles nationaux, votée en décembre 2021, et susceptible de porter atteinte à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux. Des blogueurs ont été arrêtés sur le fondement de ce texte, ce qui a suscité l’incompréhension des Mauritaniens.
Biram Dah Abeid, seul adversaire ? A moins que…
Durant le premier mandat de Ghazouani, le pays a, comme tant d’autres, souffert des conséquences de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Le bilan du chef de l’État a également été parasité par le procès de Mohamed Ould Abdelaziz, ouvert le 25 janvier 2023. L’ex-président a été condamné pour enrichissement illicite et blanchiment d’argent à cinq ans de prison à la confiscation de l’ensemble de ses biens et à une peine d’inéligibilité qui l’empêchera de peser sur le scrutin de 2024. Sauf coup de théâtre, et en l’absence de réels contre-pouvoirs, Ghazouani ne devrait pas avoir face à lui une personnalité susceptible de contrarier ses ambitions.
Seul Biram Dah Abeid arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, faisait office jusque-là, de potentiel adversaire, à moins qu’un candidat surprise ne se déclare au dernier moment. Cela avait été le cas en janvier 2019, lorsque Sidi Mohamed Ould Boubacar, l’ancien Premier ministre, s’était lancé dans la course avec le soutien de Mohamed Ould Bouamatou.
Ce dernier est justement au cœur d’une plainte pour diffamation introduite par Mohamed Ould Maouloud contre Biram Dah Abeid qui, à travers des enregistrements, accuse le président de l’UFP d’avoir bénéficié d’un financement de la part de l’homme d’affaires. L’empressement avec lequel les députés de la Majorité ont levé l’immunité parlementaire du président de IRA a conduit certaines observateurs à soupçonner une manœuvre pour écarter le seul adversaire crédible de Ghazouani.
Des soupçons d’autant plus crédibles que l’opposition traditionnelle, qui a très vite fait le choix de se rapprocher du pouvoir, s’est effondrée lors des élections législatives, municipales et régionales de mai 2023.
En septembre suivant, Ahmed Ould Daddah et Mohamed Ould Maouloud ont d’ailleurs signé une charte avec INSAF, le parti au pouvoir, ouvrant la voie à un dialogue, auquel ils souhaitent rallier un maximum de participants. Les islamistes de Tawassoul, première force d’opposition, sont vent debout contre ce projet. Ils manœuvrent en coulisses, sans dévoiler leur stratégie. Il n’empêche, à moins de quatre mois de l’élection les dés semblent jetés.
Sikhousso