L’Union européenne a initié jeudi (7 mars) un nouveau partenariat en matière de migration avec la Mauritanie, par où transitent des migrants vers les îles Canaries (Espagne). Ce territoire espagnol est devenu l’objectif stratégique des clandestins qui visent l’Europe.
La route des îles Canaries, passant par une dangereuse traversée dans l’Atlantique, est davantage fréquentée ces derniers temps. Plus de 12.000 personnes l’ont empruntée sur les deux premiers mois de cette année, soit plus de six fois plus que sur la même période l’an dernier. En 2023, plus de 40.000 personnes ont risqué leur vie dans l’Atlantique – près de 1.000 en sont mortes – en voulant rejoindre l’Espagne via les îles Canaries au départ de l’Afrique de l’Ouest. Une hausse sans précédent (+ 160 % par rapport à 2022) que les autorités locales ont du mal à gérer.
Après la Turquie, la Libye, et la Tunisie récemment, ces accords se multiplient autant que les critiques qui les entourent.
D’après la feuille de route annexée à la déclaration, cinq thématiques autour de la migration feront l’objet d’une concertation : un chapitre pour faciliter la cohésion sociale des jeunes à travers des opportunités socio-économiques, un autre pour accompagner la Mauritanie à répondre à l’afflux de réfugiés et soutenir les communautés qui les accueillent, ou encore un pour soutenir la mobilité des étudiants en améliorant par exemple les procédures de délivrance de visas.
Mais il y a aussi des chapitres très attendus, comme ceux concernant la lutte contre l’immigration irrégulière et le trafic de migrants, ou celui concernant la gestion, la surveillance et le contrôle des frontières.
Ce partenariat doit ouvrir la voie à un financement européen afin de soutenir la gestion des migrations – notamment la lutte contre le trafic de migrants -, ainsi que la sécurité et la stabilité, l’aide humanitaire en faveur des réfugiés et le soutien aux communautés d’accueil. Et enfin, en offrant des opportunités d’emploi, de formation et d’accès aux financements aux jeunes.
Une déclaration en ce sens a été signée à Nouakchott par la commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, et le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, en présence de son homologue espagnol, Fernando Grande-Marlaska, et de la secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor, au nom de la présidence belge du Conseil. « Nous avons besoin de partenariats avec ces pays d’Afrique du Nord pour prévenir les départs irréguliers et les pertes de vies humaines. Une gestion efficace des migrations constitue un défi européen nécessitant une réponse collective », a déclaré Mme de Moor.
Appuyer les efforts de la Mauritanie dans ses capacités d’accueil
A cette occasion, le ministre mauritanien de l’intérieur a souligné que la visite à Nouakchott de la délégation de haut niveau de l’UE s’inscrit dans le cadre de la dynamique croissante qui caractérise les relations entre les deux parties.
M. Ould Mohamed Lemine a précisé que le partenariat stratégique avec l’UE est constitué de plusieurs volets : économique, diplomatique, sécuritaire, la migration régulière de mauritaniens vers l’Europe, la lutte contre la migration clandestine et les réfugiés.
Pour la commissaire européenne, ce partenariat comprend notamment un appui au financement sur le volet de la migration, qui reste un défi pour tous les pays du monde.
Il s’est félicité des liens de confiance tissés avec la Mauritanie, permettant ainsi d’aboutir à des accords et politiques de gestion des flux migratoires, saluant les efforts déployés dans ce sens par la Mauritanie, qui accueille beaucoup de réfugiés.
Ce partenariat doit ouvrir la voie à un financement européen afin de soutenir la gestion des migrations – notamment la lutte contre le trafic de migrants -, ainsi que la sécurité et la stabilité, l’aide humanitaire en faveur des réfugiés et le soutien aux communautés d’accueil.
Le partenariat vise entre autres à renforcer les capacités des garde-frontières mauritaniens, en accroissant la coopération avec Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et garde-côtes, pour ce qui est de la formation et des équipements. La coopération sur les opérations de recherche et de sauvetage sera aussi intensifiée. L’UE veut également appuyer les efforts de la Mauritanie dans ses capacités d’accueil, en particulier des plus vulnérables. Dans le pays résident quelque 150.000 réfugiés du Mali. Des enquêtes conjointes doivent aussi aider à prévenir la migration irrégulière.
Pour M.Jean-Marc Dewerpe, chef de la coopération de la délégation de l’Union européenne en Mauritanie :« Combattre et poursuivre les réseaux de passeurs des migrants et les réseaux de traite des êtres humains, y inclus à travers des enquêtes concertées. Renforcement des moyens et les capacités des autorités responsables de la gestion des frontières. Renforcer les opérations en matière de recherche et de sauvetage. Faciliter le retour de ceux qui n’ont pas le droit de rester tout en respectant les droits humains. »
« La route entre la Mauritanie et les îles Canaries est l’une des plus meurtrières et des plus dangereuses à emprunter. Les morts ne se comptent plus. Il y a beaucoup de tragédies le long de cette route. Combattre les passeurs, c’est sauver des vies. Beaucoup de ces personnes se lancent dans un voyage dont ils n’atteignent jamais la destination visée. C’est pourquoi il est d’une importance cruciale que nous renforcions notre partenariat et que nous appuyions également la gestion des frontières, la recherche et le sauvetage. » déclare, Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures.
L’accord prévoit 210 millions d’euros pour la Mauritanie, afin de gérer les migrations et de lutter contre les passeurs.
Pas d’accueil ou de réinstallation de migrants étrangers en situation irrégulière
Face aux vives polémiques et protestations suscitées par cet accord en Mauritanie où des craintes sont nourries quant à l’ouverture de centres de rétention et d’accueil de migrants subsahariens, M. Abdessalam Ould Mohamed Saleh, Ministre de l’économie et du développement durable rassure. »Je tiens à rassurer mes frères et sœurs, les citoyens de la Mauritanie, qui sont les premiers bénéficiaires de la signature de cet accord commun, qui est plus qu’un accord politique sans aspect contraignant » Abdessalam Ould Mohamed Saleh, Ministre mauritanien de l’économie et du développement durable.
Concernant les retours en Mauritanie, le document ne mentionne que le retour potentiel « des Mauritaniens en séjours irrégulier en Europe ». Une précision importante selon Abdessalam Ould Mohamed Saleh, ministre de l’Économie : « J’affirme ici que la Mauritanie ne sera jamais la patrie (alternative) des migrants illégaux étrangers. Nous ne les recevrons pas, ne les abriterons pas et ne leur accorderons pas la citoyenneté ».Grosso modo, » la Mauritanie ne sera pas un pays d’accueil ou de réinstallation de migrants étrangers en situation irrégulière’’, a rassuré M. Abdessalam Ould Mohamed Saleh, Ministre de l’économie et du développement durable. Ces derniers jours , beaucoup de mauritaniens avaient vivement protesté contre cet accord craignant l’ouverture dans le pays de centre de rétention et d’accueil de migrants. En dépit des assurances des autorités, la tension n’avait pas baissé d’un cran.
Toutefois, la coopération sera renforcée en matière de retour et de réadmission en ce qui concerne les Mauritaniens en séjour irrégulier dans l’UE, « dans le respect de leurs droits et de leur dignité », assure la Commission dans un communiqué. Comme c’est le cas pour d’autres accords en gestation, ou pour l’accord controversé avec la Tunisie, l’UE vise un partenariat large. Il visera donc aussi la création de perspectives d’emploi (accès à la formation professionnelle et au financement pour les entreprises), mais aussi la promotion de la migration légale (mobilité des étudiants, chercheurs et entrepreneurs). Le mois dernier, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen avait annoncé, lors d’un déplacement en Mauritanie, la mobilisation de 210 millions d’euros en faveur de ce pays.
L’UE cherche encore à nouer un autre partenariat stratégique de ce type avec l’Égypte, qui est non seulement un pays de transit, mais aussi de départ et de destination. « Des Égyptiens quittent leur pays, qui est le cinquième pays d’entrée dans l’UE, tandis que de nombreuses autres personnes fuient vers l’Égypte. Un partenariat solide est plus que nécessaire pour ne pas les laisser seuls dans cette tâche difficile », selon Mme de Moor. Pour la secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor, au nom de la présidence belge du Conseil. « Nous avons besoin de partenariats avec ces pays d’Afrique du Nord pour prévenir les départs irréguliers et les pertes de vies humaines. Une gestion efficace des migrations constitue un défi européen nécessitant une réponse collective », a déclaré Mme de Moor.
Près de 12 000 migrants et réfugiés ont atteint les îles Canaries au cours des deux premiers mois de l’année, selon le ministère espagnol de l’Intérieur.
L’Espagne déploie depuis des années la police nationale et des gardes civils en Mauritanie pour aider les autorités locales à empêcher les migrants de Mauritanie, du Mali, du Sénégal et d’autres pays voisins d’embarquer pour une traversée de l’Atlantique vers l’Europe le pays.
Les conflits et l’instabilité au Sahel, aggravés par les effets du changement climatique, l’augmentation du coût de la vie et le chômage élevé des jeunes, ont poussé des milliers de personnes à embarquer sur des bateaux de pêche surpeuplés vers les îles Canaries, un tremplin vers l’Europe continentale.
Alors que des milliers de personnes ont survécu au voyage risqué, beaucoup meurent ou disparaissent en cours de route avec des restes parfois échoués de l’autre côté de l’Atlantique.
Au moins 191 migrants ont été signalés morts ou disparus cette année, sur la route des îles Canaries, selon l’Organisation internationale pour les migrations
Les responsables européens avaient été reçus par le président, Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, ainsi que par le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Mohamed Ahmed Mohamed Lemine, et le ministre de l’Économie et du Développement durable, Abdessalam Mohamed Saleh.
Saydou Nourou T.