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Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi : L’Héritage Indélébile d’un Président de Dignité et d’Union

Un souffle d’intégrité s’est éteint, mais son écho résonne encore dans les cœurs mauritaniens. » Ainsi pourrait-on débuter le récit de la vie de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, cet homme qui fut, de 2007 à 2008, le président de la République Islamique de Mauritanie, et qui incarne aujourd’hui, dans la mémoire de ses concitoyens, l’essence même de la dignité et du service public.
Né en 1938, dans la terre aride et fière du Brakna, il s’est forgé dans un environnement où la solidarité n’était pas un mot mais une nécessité, où le respect des autres et des traditions façonnait chaque existence. Son parcours, entre les études en économie au Sénégal et en France et la carrière dans les hautes sphères de l’Etat, puis les rouages des institutions financières internationales, l’a armé d’une compréhension aiguisée des défis qui pèsent sur son pays. Homme de conviction, il croyait profondément à la voie du dialogue et de la coopération, animé par une foi inébranlable en une Mauritanie unie et pacifiée.
L’année 2007 fut pour lui celle de l’espoir et pour la Mauritanie, celle de la renaissance. Dans un climat de désenchantement et de quête de stabilité, l’élection de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, lors d’un des premiers scrutins libres et transparents du pays, symbolisait un renouveau, une promesse de démocratie et de réforme. Son mandat, bien que bref, fut marqué par un engagement inlassable pour la justice sociale, la réconciliation nationale, et la réduction des inégalités. Au-delà des discours, il a œuvré pour rapprocher les Mauritaniens, pour dépasser les fractures et jeter les bases d’une société plus juste et inclusive.
Un de ses proches se souvient encore, les yeux embués : « Depuis mon enfance, j’ai vu en lui un modèle de droiture, un phare d’unité nationale. »
Son mandat s’est brutalement interrompu en 2008, emporté par le vent froid de l’instabilité politique. Mais si le pouvoir lui fut arraché, son héritage, lui, reste indélébile. Son image, celle d’un dirigeant intègre et bienveillant, continue de marquer l’esprit de ses compatriotes. Ce qu’il avait semé – l’espoir d’une Mauritanie tournée vers la démocratie et la justice – demeure vivant, porté par ceux qui l’ont connu et admiré.
Aujourd’hui, quatre ans après sa disparition, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est célébré non seulement comme un ancien président, mais comme un modèle de courage et de sagesse. À travers lui, les Mauritaniens honorent une figure qui leur rappelle la noblesse de la gouvernance fondée sur l’éthique, et la beauté du sacrifice pour le bien de tous. Sa mémoire, tel un parfum persistant, imprègne encore les aspirations d’une nation en quête d’un avenir lumineux.
Je garde en mémoire des scènes gravées qui incarnent ce sens élevé du sacrifice de l’intérêt personnel au profit de l’intérêt national – un trait de caractère qui semble avoir été sculpté dans le roc même de la personnalité de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Quelques jours avant le coup d’État qui emporta son pouvoir en 2008, je lui fis part d’une information alarmante, que m’avait confiée un ami proche : un groupe d’individus, mécontents de ses décisions concernant des questions cruciales, préparait une action contre lui. Il m’écouta en silence, son regard profond fixant un point au loin, puis répondit d’une voix où se mêlaient fermeté et désenchantement : « Jeune homme, la démocratie a un prix à payer, et je suis prêt à le payer, quoiqu’il m’en coûte. »
Puis, comme s’il parlait plus à lui-même qu’à moi, il ajouta : « Deux grandes questions me tenaient à cœur, et j’ai voulu les affronter pour réconcilier notre peuple et jeter les bases d’une nation forte et unie. La première, c’est l’éradication de l’esclavage ; la seconde, le retour des déportés. Ces deux plaies menacent l’existence même de notre pays et conditionnent la survie de la nation. » Ces mots, simples mais puissants, illustrent un homme pour qui le sacrifice personnel au profit du bien commun n’était pas un idéal lointain, mais une réalité assumée.
Le dévouement de cet homme dépassait toute considération politique. Deux autres moments particuliers m’ont marqué, des moments que certains qualifieraient d’irréels, tant il est rare de voir des dirigeants poser de tels actes. Le premier fut son opposition catégorique lorsque l’Administrateur-directeur général de la SNIM à l’époque, chercha à transférer le contrat de réassurance de la société à un autre groupe économique pour des intérêts personnels, malgré que le groupe visé ait soutenu son adversaire lors de l’élection de 2007. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, inflexible, refusa de céder aux pressions, affirmant que l’État devait agir dans l’équité, loin des revanches partisanes.
Le second exemple se joua autour de la nomination de l’universitaire et ancien ministre, Isselkou Ould Ahmed Izid Bih à la tête de l’université de Nouakchott en 2007. Bien que cet homme fût l’un de ses opposants les plus virulents, Sidi le choisit pour ses compétences sur proposition de la ministre de l’éduction de l’époque Nebghouha Mint Haba, malgré les protestations de ses ministres réunis en conseil du gouvernement, considérant que le bien du pays exigeait de dépasser les différends personnels. Et Isselkou lui-même, au lendemain de la disparition de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, rappela ce geste magnanime dans ses condoléances, comme un témoignage de cette grandeur d’âme qui demeurera gravée dans la mémoire collective.
Dans chacun de ces actes, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi fit preuve d’un patriotisme rare, illustrant une fidélité inébranlable aux principes qu’il chérissait : justice, dignité, et union nationale.
À la disparition de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi le 22 novembre 2020, sa famille, fidèle aux valeurs d’humilité et de sobriété qu’il avait incarnées toute sa vie, s’était préparée à le porter en terre loin des projecteurs et des regards curieux. Son souhait était simple : l’enterrer dans la quiétude de son paisible village de Lemden, à l’abri des éclats des caméras et des foules de Nouakchott. Mais ce choix, mû par un respect profond pour le défunt, allait susciter une onde de réactions. En effet, l’annonce de son décès fit affluer, comme une marée silencieuse, des centaines de citoyens vers la résidence de l’ancien président. Pour eux, cet homme n’appartenait pas seulement à ses proches ; il était devenu le symbole d’un espoir, d’une dignité que chacun portait en lui. Ils s’opposaient fermement à ce que son départ ne soit marqué que par une cérémonie discrète, convaincus que la nation tout entière avait droit à un dernier adieu officiel.
Touché par cette émotion populaire et par fidélité aux relations intimes le liant à l’illustre personnage, le Président Mohamed Cheikh El Ghazouani, informé de la situation par l’un de ses ministres et proche parent du défunt, fit aussitôt porter un message à la famille. Il exprimait son désir de rendre hommage à son prédécesseur en organisant des funérailles nationales dignes de son rang et de son héritage, pour autant que la famille y consente. Après quelques échanges empreints de respect, l’accord fut donné, soulageant ainsi non seulement le cœur de la famille, mais aussi ceux des milliers de Mauritaniens éplorés qui avaient tant espéré ce geste.
Cet hommage présidentiel, geste empreint de respect, fut accueilli avec une gratitude unanime. Il reflétait la profonde estime que les deux hommes se vouaient mutuellement, une admiration que j’ai eu l’occasion d’observer lors de mes propres rencontres avec chacun d’eux. Chacun parlait de l’autre avec une considération sincère, un attachement discret mais palpable, qui révélait leur noblesse d’âme. Dans cet ultime hommage, cette fraternité silencieuse se dévoilait au grand jour : une amitié forgée dans le respect et la reconnaissance de valeurs partagées, illuminant, ne serait-ce qu’un instant, l’ensemble de la nation.

Par Mohamed Vall Ahmed Tolba

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